Catwoman, plus chaton que chatte
Attendue au tournant, l’adaptation de Pitof des aventures de Catwoman risque de hérisser le poil des fans de la belle vengeresse…
(sortie le 8 septembre 2004)
Un film réalisé par Pitof
Patience Philips est une artiste douée, mais maladivement timide, qui se contente d’un modeste emploi de dessinatrice publicitaire au sein du conglomérat Hedare Beauty.
Dirigée de main de fer par le tyrannique George Hedare et sa femme, le légendaire top model Laurel, Hedare Beauty se prépare à lancer « LE » cosmétique miracle censé procurer aux femmes un visage et un corps à jamais immaculés.
Mais la réalité est tout autre : ce cosmétique miracle est un poison violent aux effets secondaires désastreux pour la peau. Lorsque Prudence le découvre, ses employeurs n’hésitent pas à la tuer froidement afin qu’elle ne révélât jamais l’imposture.
Tout n’est pas perdu, cependant, car Prudence ressuscite sous l’emprise d’une force mystérieuse. Elle se réincarne, magnifiée, en une femme féline, sensuelle, d’une agilité et d’une force surhumaines : Catwoman… Libérée de ses complexes, celle-ci commence par régler quelques comptes et s’offrir certains plaisirs trop longtemps négligés…
« Catwoman » est un projet séduisant. Une héroïne duale à l’écoute de ses sens qu’une soudaine et mystérieuse
renaissance a sublimé en perverse dominatrice. Le sado-masochisme a beau ne pas être votre tasse de thé,
l’habit et l’abbesse ont de quoi ébranler même les plus sceptiques. Toutes griffes dehors, l’oeil vicieux, le
latex collé au corps, « Catwoman » feule à punir les méchants non pour soutenir la justice quelque peu
défaillante d’une Amérique sur le déclin mais pour son seul plaisir. L’indifférence aux lèvres, elle peut
aussi s’attaquer aux gentils si ceux-ci lui ont fait du tort ou lui barre simplement le chemin. Se venger
puis dominer sont ses seules motivations. La mort est sa compagne, le vol son pêché mignon… bref, un
personnage complexe et décadent à mi-chemin entre super vilain et super héros. Ensorcelante créature que
la nuit révèle à un public masculin conquis quel que soit l’âge.
« Catwoman » est aussi et avant tout un projet glissant. Une magnifique savonnette pour qui aborde le mythe
sans s’y être entièrement préparé. Car il ne suffit pas d’être belle pour intéresser. Aussi faut-il avoir
du chat… et en faire l’irréfutable démonstration à l’écran. Burton dans son Batman, le défi s’en sort
avec les honneurs. Pfeiffer en héroïne « womanimalisée » déploie des trésors de sensualité sans pourtant
totalement convaincre. Pas assez féline, pas assez perverse mais par-dessus tout pas assez étoffée… à
peine 3 lignes et demie et la voilà dans sa litière boudant ainsi un savoureux affrontement avec le fou
furieux fana des chauve-souris. Serait-ce la cape qui a effrayé la bête ? A moins que ce ne soit la romance
au raz des pâquerettes d’un scénario sporadiquement Burtonien qui l’en ait empêché. Toujours est-il qu’en guise
de chatte, Pfeiffer n’a pas eu la possibilité de miauler plus haut que le chaton.
Qu’à cela ne tienne ! « Catwoman » aura son film. Fini les seconds rôles sur une affiche contant les aventures
d’un asticot volant. Elle sera la star, l’égérie, la franchise d’une major. C’est pour elle que désormais
craque la Warner. Appelez-là sa féline Seigneurie. Pas moins de 6 scénaristes se disputent ses aventures et
presque autant de réalisateurs. Le projet mûrit et les stars se bousculent au portillon. Va y avoir photo
finish et c’est… la chatastrophe !!! Pitof à la réalisation, Halle Berry en Catwoman face à Lambert Wilson
et Sharon Stone. Ca sent le sapin pour cette bonne vieille femme chat. Le genre de Waterloo hollywoodien qui
vous chatouille les naseaux et vous laisse un parfum aigre d’incommensurable gâchis. Certains diront qu’il faut
avoir bien mauvais esprit ! Et bien distinctement, articulez Vidocq. Voyez reculer alors les velléités
de tous ces bien-pensants à cette seule évocation plus efficace qu’une gousse d’ail.
Il faut croire que l’odeur indélicate de cette nauséabonde adaptation n’a pas gêné les narines du studio. Voilà
le cinéaste (ou vidéaste, l’hésitation est légitime !) de nouveau en selle sur un projet d’envergure qui de fait
tombe à plat. Pitof pour tourner « Catwoman » et pourquoi pas Michael Bay pendant qu’on y était. L’idée semble si
saugrenue qu’on se prend à imaginer la femme chat évoluant dans d’absurdes contorsions matrixiennes. Une bonne
vieille exploitation de franchise sans idée ni talent. Halle Berry en « Catwoman ». Le cauchemar continue ! Certes,
Halle est douce, fragile et d’une extraordinaire beauté mais ses yeux n’ont rien de la perversion frénétiquement
débridée du personnage. Plus qu’un rôle, il va lui falloir radicalement changer de personnalité. Quant à Sharon
Stone, depuis Basic Instinct, la belle a beau se dénuder, rien n’y fait. Comme
d’autres enfilent des perles, Stone enchaîne méthodiquement les nanars (de préférence de série Z) poursuivant une
carrière prometteuse avec un manque d’inspiration achevé.
Après avoir tant espéré de « Catwoman », le sort s’est acharné, multipliant les signes d’une débâcle annoncée. Il ne
restait plus qu’à espérer un miracle. « Catwoman » ne sera pas l’adaptation du siècle mais on évite d’un chouillat
le ratage complet. Du côté de la réalisation, décidément rien à escompter. Pitof réalise une oeuvre grossière
suintant le pop-corn et les millions (de dollars non de spectateurs). Il filme des rushes, des scènes mal taillées
pour « ravers » sous acide que les clips suggestifs font tripper. Pitof s’est à nouveau autorisé un plaisir solitaire
qui rend « Catwoman » illisible et prétentieux. Des caméras qui virevoltent, des travellings à tout bout de champ,
des effets numériques ratées et un montage qui vire au grand n’importe quoi. Le match de basket ou encore la poursuite
en moto dans les rues de la ville ont été filmées et découpées n’importe comment.
On rêvait « Catwoman » sensuel et osé… on peut toujours continuer de rêver. Notre imagination à propos du mythe
reste intacte. Aucun risque d’être influencé tant le film respire l’indigence (imaginative). La bonne surprise
viendra uniquement des acteurs. Moins de la prestation de Halle Berry que de celle de ses partenaires. La midinette
BCBG ne fait décidément pas le poids face au magistral Lambert Wilson, cabotin à souhait, taillé pour jouer les
rôles de salauds inspirés. Heureusement qu’il est là ! Lui nous sauve la soirée en se prêtant au jeu avec une
infinie réjouissance. Il n’est pas le seul ! Le charme et la décontraction de Benjamin Bratt font également
merveille. Doué, le jeune homme l’est au point de voler à Halle Berry subrepticement la vedette. Mais le clou du
spectacle, la reine du show, le must de cette épopée chatte-oyante… demeure la performance ébouriffante d’une
Sharon Stone sur laquelle on aurait pas même parié un strapontin. Propulsée à nouveau sur le devant de la scène,
son sex-appeal évident convainc et ensorcelle. Méchante retorse et perverse, elle méritait d’être « Catwoman ». Mais
les considérations hollywoodiennes sur l’âge et la popularité en auront décidé autrement.
« Catwoman », à travers cette pâle adaptation, ne fera pas une sortie en fanfare. Toutefois, l’idée d’une franchise
demeure un séduisant projet qui vaut la peine d’être ultérieurement « réanimé ». Cette adaptation constituera
néanmoins un agréable divertissement. Une jolie coquille vide sertie de quelques moments plaisants et de
jubilatoires interprétations.