Réalisé par Kang Woo-Suk
Avec
Sol Kyung-gu, Lee Sung-jae et Kang Shin-il
Édité par CTV International
Le Polar est à la mode, c’est bien connu ! Longs-métrages
cinématographiques, documentaires, téléfilms, séries et même
courts-métrages ont un gros faible pour le genre tout
simplement parce que nous public nous révélons frénétiquement
demandeurs et que nos amis les producteurs (artistes mais
hommes d’affaires avant tout) exploitent jusqu’à la trame cet
inépuisable filon. Certains vont même par souci de réalisme
jusqu’à éplucher les faits divers. A moins que ce ne soit par
manque d’imagination ??? Toujours est il que les intrigues
fleurissent, les personnages s’interchangent et que le polar
tourne en rond. Buddy Movie type
L’Arme fatale, Thriller
horrifique type Seven ou patronage
réflexif type
Maigret… parmi ces
modèles, faîtes votre choix. Dans ces conditions, difficile
de ne retenir autre chose que l’original sous les traits de
pululantes copies.
Alors, quand on voit passer un « Public Enemy », on ne peut
qu’être immédiatement frappé par l’audace de sa construction
et son humour si franchement décalé. « Public Enemy » sort
visiblement du lot !!! Est-ce que « Public Enemy » renouvelle
le genre pour autant ? Pas vraiment. On peut même affirmer
qu’il s’inspire très nettement des polars occidentaux à mi
chemin entre l’amer réalisme de Black Rain et la
fascinante perversité de
Basic Instinct. Par
conséquent, « Public Enemy » serait-il une pâle copie ?
Résolument non puisque le film évite soigneusement de se
gargariser de scènes réchauffées. Funambule averti, son
réalisateur marche sur le fil tendu par ces deux sources
(volontaires ou involontaires) d’inspiration bien décidé à
transformer ce « Black Instinct » (ou « Basic Rain ») en
oeuvre personnelle.
A ce petit jeu, Kang Woo-Suk qui n’est pas un débutant (à qui
l’on doit déjà le remarquable « Two Cops » toujours inédit en
France) excelle. Quelques scènes lui suffiront à poser
l’ambiance. Introduction accrocheuse : on parle de flics, on
parle de meurtre, on parle de ripoux, on parle d’un
sociopathe. Titre ambigü : « Public Enemy » puis on passe aux
choses sérieuses. Une fois les jalons efficacement posés, pas
question de jouer les touristes. Woo-Suk enchaîne par le
portrait aussi surréaliste que misérabiliste d’un Séoul
gangrené par une corruption tolérée et même organisée.
Couleurs pâles, quasi délavées et rapidité des plans
dessinent des séquences saisissantes de vérité empruntant
largement au documentaire. Le look du policier, « Serpico »
dans ses plus mauvais jours, accentue l’impression de
déchéance qui émane de l’ensemble.
Puis apparaît le tueur ! Séduisant, propre sur lui,
distingué. Une atmosphère glaciale l’enserre tantôt d’une
clarté aveuglante, tantôt d’une noirceur inquiétante. Deux
pôles d’une schizophrénie ici parfaitement balisée (cf la
confrontation dans le bureau du tueur et le jeu de
l’inspecteur qui utilise les rideaux). Le jour, sociopathe
arrogant, dépouillant de leurs biens la clientèle qui a eu le
malheur de lui confier ses investissements. La nuit,
meurtrier sans pitié, tuant tous ceux qui ont eu
l’outrecuidance de le contrarier. Woo-Suk stabilise son
objectif, filtre la lumière et multiplie à l’envie les
travellings longs et lents. Il dépeint ainsi l’univers du
nemesis : ambiance macabre et raffiné. Rarement contours
auront été si brillamment dessinés ! Woo-Suk s’applique et
prend son temps.
Intervient l’inévitable rencontre, choc social et culturel.
Là encore Woo-Suk fait différent. Il étire la scène, y
introduit des éléments scatologiques et par jeu ou par
cynisme renvoie tueur et flic, tous deux pourris, dos à dos.
L’un, le tuteur, devant son amateurisme que ses erreurs
répétées peinent à masquer. L’autre, le policier, dans son
ruisseau qu’il n’arrive pas à quitter. L’intrigue puise dans
ce traitement singulier davantage d’intensité et de gravité.
Violence et dérision mènent à la satire. L’humour est
cynique. Le crime choquant. Les procédés policiers
révoltants. Ni règles, ni décence dans cet affrontement.
L’entreprise manque de virer au joyeux bordel. Un moment, on
perd de vue l’intrigue ou plutôt on croit la perdre. Illusion
d’optique ingénieuse pour mieux salir les protagonistes et
les laisser se débattre avec suffisamment de fils narratifs
pour alimenter 3 ou 4 histoires policières made in Hollywood.
Woo-suk s’interdit la facilité du « droit au but ». Pas
question de laisser le spectateur indemne. « Public Enemy »
sera une promenade jouissive dans les méandres d’un polar
remarquablement bien ficelé.
Psychologie des personnages fouillée, scènes abouties,
situations décalées, dialogues ciselés. Le thème a beau ne
pas faire preuve de nouveauté, Woo-Suk le transcende comme
s’il voulait ne pas simplement l’exploiter mais bien se
l’approprier. Impensable pour le cinéaste de filmer une scène
sans qu’elle porte sa marque (cf Evasion d’un des suspects
par la fenêtre, l’interrogatoire de ce même suspect habile à
manier les couteaux ou bien encore l’autopsie). Woo-Suk ne
laisse rien au hasard. Pas le temps d’improviser, tout est
minutieusement écrit et impeccablement répété pour ne perdre
aucun fil tout en insufflant rythme et originalité.
Résultat : nombres de séquences sont marquantes et celle qui
ne le sont pas demeurent au pire jubilatoires.
« Public Enemy » va à 100 à l’heure sans pour autant flinguer
ou taillader à tout bout de champ. La plupart du temps, cette
violence physique est suggérée. Le voyeurisme de certaines
scènes à déconseiller aux âmes sensibles n’en est que plus
terrifiant. « Il n’y a pas pire fantasme que de ne pas en
avoir » affirmait Stanley Kubrick dans
Eyes Wide Shut. Woo-Suk dans « Public Enemy »
met en pratique l’idée. L’horreur, c’est de voir les meurtres
mais pire encore et d’imaginer leur sauvagerie et leur
cruauté (cf l’assassinat de la mère dans un hurlement de
douleur étouffé). La violence morale, quant à elle, est
omniprésente. Woo-suk en fait son alliée. Folie meurtrière
mais aussi violence des échanges sociaux. Derrière le polar,
une réflexion désabusée sur le développement de Séoul qui
favorise les riches et oppresse les pauvres. Une seule
valeur, un seul Dieu : l’argent. Cet argent qui pervertit le
système et corrompt les hommes. Le message est sans
ambiguïté.
Woo-Suk condamne ces nouveaux riches, criminels sans foi ni
loi. La sentence est sans nuance et sanctionne avec
exemplarité le crime. Dominante rouge assumée pour un »
Public Enemy » opiniâtrement musclé. L’absence de complexe
fait savourer l’absence de nuance. On est au spectacle. 2h10
d’un jeu du chat et de la souris protéiforme bourré d’humour.
Exaltante surprise d’un cinéma sud-corréen efficace et
inspiré. Un polar excellent à ne pas manquer !!!
Edition double DVD de toute beauté ! Making of, scènes
coupées, interviews, l’éditeur offre à « Public Enemy » une
sortie vidéo aux allures d’expérience Home Cinéma. Une
décision heureuse sur un titre qui devrait attirer les
cinéphiles nombreux. Espérons-le car ce film (encore une
fois) le vaut largement.
Digipack magnifiquement dessiné avec toutefois de grossières
tâches de sang sur les visuels intérieurs. Ce sont les
gouttes de trop. Le film méritait un peu plus de finesse.
Quant aux ektas présents au dos du Digipack, ils donnent
l’impression malheureuse du film asiatique typiquement
psychologisant. Pour couronner le tout, voilà que l’éditeur
tente de comparer « Public Enemy » à
L’Inspecteur Harry et Bad
Lieutenant. Bref… on aurait souhaité un peu plus d’emphase
entre le film et l’éditeur. L’inspiration n’y était certes
pas, ce qui sera sans doute dommageable à la carrière du film
en vidéo.
Dernier sujet qui fâche : le transfert vidéo. L’éditeur livre
un ouvrage tout juste passable qui aurait mérité beaucoup
plus d’attention et de sérieux. L’insertion de la galette
dans le lecteur nous réconcilie heureusement avec CTV
International. Introduction léchée, extraits du films,
ambiance oppressante sans oublier les transitions ultra
soignées. « Public Enemy » a été princièrement traité. On eut
ardemment désiré qu’il fût royalement voire impérialement
traité. Néanmoins, les conditions sont réunies pour
tout-de-même savourer cette petite merveille.
Ca, c’est du supplément avec ce qu’il faut de making of,
d’interviews et de scènes coupées pour prolonger agréablement
cette expérience qu’est « Public Enemy ». Et même si certains
bonus manquent clairement à l’appel, l’éditeur n’a pas ménagé
ses efforts pour mettre en valeur ce film auquel il croit.
C’est tout à son honneur !!! Tant d’éditions souffrent
d’anémie ces temps-ci que lorsqu’on en voit une qui sort des
sentiers battus, on a l’irrépressible envie de lui mettre un
5. On ne va d’ailleurs pas se gêner pour le faire. Ben quoi ?
1 DVD entier de bonus qui plus est passionnants pour un film
qui n’est pas sorti en salles. Ca vaut bien un 5… au
moins !
Making of (38’58 - VOST)
Le making of recense les étapes de la construction du film
non de manière classique (pré-prod / prod / post-prod) mais
de manière originale en listant les ingrédients qui font de »
Public Enemy » une oeuvre si réjouissante et si particulière.
L’intérêt est moins dans les commentaires qui se livrent à
une plate explication de texte que dans ce que nous montre
les coulisses du tournage. Bienvenue dans un monde où on
utilise le travelling pour de simples plans dans un
commissariat, où les acteurs se font littéralement frapper,
meurtrir et en redemandent pour que le film soit réussi. Le
réalisme du film n’en est que plus saisissant. Ce n’est
toutefois pas sans laisser de traces puisque l’acteur qui
incarne le tueur cèdera à la prostration devant la cruauté de
l’intrigue et le choc visuel des scènes. Ce making of
réellement fascinant se termine par une interview du
réalisateur qui expose sa vision lors d’une conférence de
presse. Dommage qu’il n’ait pas lui-même commenté son making
of tant il aurait donné vie et sens à l’ensemble. Un making
of qui, à l’image du film, sort de l’ordinaire.
Interviews du réalisateur et des acteurs principaux
Indispensable pour tous ceux qui veulent tout savoir sur la
pré-prod / prod et post-prod. 3 interviews dont 1 capitale du
réalisateur nous emmènent dans les coulisses du cinéma coréen
et particulièrement de « Public Enemy ». Comme à l’accoutumé,
ni triomphalisme ni langue de bois. Nous sommes loin de la
featurette hollywoodienne. Mais une féroce envie de nous
présenter les immenses travaux qu’ont été la conception, la
réalisation et la distribution de « Public Enemy ». Les deux
autres interviews, celle des acteurs, s’appesantissent sur
leur préparation physique et psychologique pour aborder le
rôle. L’ensemble décrit toutes les étapes (cette fois
classiques) du projet. Une fois encore, « Public Enemy »
surprend par son manque d’orthodoxie face aux productions
occidentales. Acteurs marqués, chahutés mais heureux de
contribuer à faire du film un succès.
- Kang Woo-Suk (50’12 - VOST) : passionnante
- Sul Kyung-Gu alias le Policier (7’29 - VOST) :
intéressante
- Lee Sunq-jae alias le Tueur (1’03 - VOST) :
dispensable
Scènes coupées et prises ratées
Montées, bruitées et timecodées, les scènes coupées et prises
ratées sont de plutôt bonne qualité. Si les prises ratées
n’ont pas franchement d’intérêt, les scènes coupées, elles,
explorent plus avant les détails de cet univers tragicomique
policier. Leur présence aurait sans doute ralenti le rythme
du film. Toutefois, elles sont toutes importantes et
méritaient de figurer dans « Public Enemy ». Un commentaire
du réalisateur aurait été le bienvenue. Tant pis ! Voici le
détail :
- Auto-stop (1’03 - VOST)
- Chez le Policier (1’24 - VOST)
- Salle de Billard (1’58 - VOST)
- Chez la Coiffeuse (1’01 VOST)
Clip vidéo (2’04) et bande-annonce (1’24)
Malgré une qualité d’image très moyenne, le clip vidéo et la
bande-annonce collectionnent les meilleurs moments du film et
nous donnent une idée assez juste de l’atmosphère à la fois
grave, violente et décalée de « Public Enemy ». Deux bonnes
surprises qui auraient été encore meilleures si elles avaient
fait l’objet d’un transfert plus soigné. L’image demeure une
fois encore le point faible du DVD qu’elle concernât le film
ou les suppléments.
L’image est visiblement le parent pauvre de cette édition DVD.
Piqué assez grossier, certaines séquences (notamment
l’introduction) affichent des couleurs étonnamment délavées
aux contrastes trop peu appuyés. Mais le plus gênant demeure
ces rayures et points blancs qui viennent de temps à autre
grêler l’image (particulièrement lors des séquences dans le
commissariat mettant en scènes les inspecteurs de l’IGP).
La Fluidité de la compression reste inattaquable mais on
aurait franchement souhaité une image remasterisée à la
hauteur de ce qu’une édition double DVD en Digipack
ambitionnait : l’excellence. Ici, le travail est tout juste
passable… en tous les cas indigne d’un collector et de CTV
International qui nous avait habitué à nettement mieux.
Les ambiances conservent néanmoins une charge émotionnelle
suffisante pour vous délivrer toutes les sensations que »
Public Enemy » vous réservent ; Angoisse, dégoût, horreur,
pitié… Mais ce transfert tout juste passable et cet absence
d’absolu contraste égratignent par endroit l’esthétisme
glacial du film qui fait sens… notamment lors de la scène
capitale confrontant le tueur et le policier dans un jeu de
clair obscur. Rideaux ouverts, rideaux fermés, le visage du
tueur prend une autre expression. Un piqué et des contrastes
bien meilleurs auraient permis de monter d’un cran la tension
et l’ambiguïté de la scène… tout simplement en précisant les
jeux de regard et les éclairage des visages.
Ca n’est pas dramatique, c’est juste très regrettable !!!
Côté son, il n’ y a aucune ambiguïté ! Le travail effectué sur
« Public Enemy » est tout ce qu’il y a de plus sérieux avec
voix précises, des basses parfaitement appuyées et une
répartition entre les canaux d’une redoutable homogénéité.
Les ambiances sont impeccablement restituées, soit par la
musique, soit par les bruitages. 3 types de scènes jalonnent
« Public Enemy » : Scènes de la vie quotidienne composées de
bruits de rues. Scènes d’angoisse dominées par les graves et
entrecoupées de crêtes de son. Enfin, les scènes d’action qui
mixent aigus et graves dans un ballet apparemment désordonné.
Ces 3 types de scènes impriment l’atmosphère sonore du film,
ici, avec une diabolique précision.
Dolby Digital 5.1 ou DTS 5.1 pour la VOST tandis que la VF se
contente d’un Dolby Digtal 5.1. Avec le peu de place
qu’occupe l’image, il aurait été aisé de caler un DTS 5.1
pour la VF, d’autant plus que pour une fois, le doublage est
de bonne qualité. Cela n’a pas été fait… tant pis !!! Le
palmarès des bandes-son ne vous étonnera pas. Mention
spéciale pour la piste DTS 5.1 qui élève l’ambiance d’un cran
et se révèle particulièrement efficace dans l’exploitation
des basses. Vient ensuite la piste VOST en Dolby Digital 5.1
qui propose un savant équilibrage entre voix et ambiances.
Puis la VF un poil en retrait versus ses deux consoeurs mais
qui demeure d’excellente facture.
« Public Enemy » est dans la place… sensationnelle
projection à toutes et tous !!!