Réalisé par Wim Wenders
Avec
Harry Dean Stanton, Nastassja Kinski et Dean Stockwell
Édité par ARTE ÉDITIONS
Étrange introduction : vu des airs, un minuscule personnage se déplace lentement dans le Mojave Desert, à Big Bend, théâtre en d’autres temps de nombreux westerns ; un aigle se pose sur un piton ; en se rapprochant du sol, la caméra révèle, posée comme le point sur un « i », une casquette rouge (presque chaque scène contient au moins un objet rouge vif), portée par un homme hagard, engoncé dans un sombre costume poussiéreux ; sous un soleil écrasant, il boit les dernières gouttes d’eau d’un bidon en plastique…
Les attaques abruptes de la guitare électrique et les longs glissandi de la musique originale de Ry Cooder ajoutent à l’étrangeté de cette découverte du personnage que la caméra ne quittera plus.
Wim Wenders retrouve ici Nastassja Kinski : c’est lui qui lui avait donné son premier rôle, à 14 ans, dans Faux mouvement, réédité en 2008 par BAC Films, avec dix autres titres, dans le cadre d’une collection Wim Wenders.
Il faut du temps à Travis pour se recomposer, revenir peu à peu dans le monde des vivants (nous ne saurons jamais où l’ont conduit quatre années d’errance), redécouvrir et apprivoiser son fils, retrouver Jane. Le récit progresse donc lentement, par une succession de longs plans, comme celui où Travis traverse le pont qui enjambe une autoroute, filmés par de lents mouvements de caméra. Et pourtant, pas un instant la tension dramatique ne se relâche.
Wim Wenders nous entraîne le long des routes rectilignes et désolées du Texas, bordées de hangars en tôle ondulées, de panneaux publicitaires, de carcasses de voitures d’un autre âge avant de nous transporter dans les paysages verts et vallonnés des abords de Los Angeles, détaillés par une profondeur de champ extraordinaire, puis au milieu des gratte-ciel de Huston.
Ce road movie ménage aussi de longs huis clos, dont le plus remarquable est celui, qui dure plus de vingt minutes, de la seconde rencontre de Travis et de Jane, séparés par la glace sans tain du peep show, filmés du côté où se trouve Travis, puis de l’autre côté du miroir, là où Jane, dans l’envers du décor, ne peut voir que son reflet dans le miroir, jusqu’à ce que l’éclairage de son habitacle soit éteint et que les deux visages finissent par se superposer, fantomatiques. Un très grand moment de cinéma qui doit beaucoup de Robby Müller, qui allait devenir le chef opérateur attitré de Wim Wenders.
Le scénario de cette histoire toute simple a été inspiré par « Motel Chronicles », un recueil de nouvelles de Sam Shepard, écrivain, auteur dramatique et acteur dans plus de cinquante films, dont l’excellent Frances de Graeme Clifford et, sorti récemment, Brothers de Jim Sheridan.
Une oeuvre remarquable qui fut couronnée par de nombreux prix, dont la Palme d’or de Cannes.
Boîtier bleu classique dans un cartonnage. Menu très simple. Pour désactiver les sous-titres sur la version originale, il faut passer par la touche « display » de la télécommande, donnant accès aux des caractéristiques de l’image et du son.
1. Entretien avec Wim Wenders (4/3, SD MPEG2, DD stéréo) Wim Wenders, dans un français presque parfait, se souvient de la création du film, dont le tournage a été lancé alors que le scénario n’était écrit qu’à moitié. Il a fallu tout suspendre, là où Travis et son fils se lancent à la recherche de Jane, puis imaginer la suite, avec l’aide de L.M. Kit Carson, le père du jeune Hunter. Sam Shepard dictera les 40 pages du scénario manquants à Wim Wenders… au téléphone ! Beaucoup d’autres anecdotes sur le tournage, jusqu’à la course contre la montre pour arriver à temps à Cannes quand Wim Wenders apporte lui-même une copie sous-titrée une heure avant le début de la projection pour la presse. Passionnant !
2. Scènes coupées, avec ou sans les commentaires de Wim Wenders (16/9, SD MPEG2, DD 5.1). Le réalisateur explique, en anglais, pourquoi telle ou telle scène (les rares chutes retrouvées sont passablement rayées) n’a pas été retenue, soit qu’elle n’apportait rien au déroulement du récit, soit qu’elle ait dû être sacrifiée pour gagner quelques minutes.
3. Bande-annonce (16/9, AVC, DTS-HD stéréo)
4. Livret de 16 pages, illustré de photos du film, contenant un extrait de « Motel Chronicles » et de la préface de l’édition française, l’extrait d’entretiens entre Wim Wenders et Bernard Eisenschitz, d’entretiens avec Nastassja Kinski, Harry Dean Stanton et Dean Stockwell, l’acteur qui incarne Walt, le frère de Travis. Puis une filmographie, non exhaustive, de Wim Wenders et une fiche technique détaillée.
L’entretien avec Wim Wenders, les scènes coupées et le livret figuraient déjà dans l’édition sur DVD de 2001. Bilan positif, malgré tout, même si nos amis américains ont été nettement mieux servis que nous par une édition Criterion parue en juin 2010, en région A.
La somptueuse photographie et les éclairages recherchés sont mis en valeur par un encodage AVC de grande qualité qui sauvegarde le grain argentique. Tout juste peut-on remarquer, à 101’, une curieuse pixellisation sur le bord droit de l’image, dans sa partie médiane. Une broutille !
Les couleurs sont d’une fraîcheur remarquable, même dans la pénombre de la chambre d’Hunter, à 66’30”, avec les noirs profonds de la nuit sur Los Angeles, dans la scène qui suit.
Le son est clair, dynamique, avec un spectre très ouvert des basses à l’aigu pour l’accompagnement musical. Beaucoup de finesse aussi, par exemple quand le vent pousse les feuilles d’un journal sur le macadam, à 111’40” ». Le genre s’accommode très bien de la rareté des effets surround et c’est bien ainsi : le remixage 5.1, s’il donne au son de la version originale un peu plus d’ampleur que le son mono de la version doublée en français (néanmoins excellent), a su éviter l’inconvénient d’une spatialisation artificielle.