Réalisé par George Cukor
Avec
Judy Garland, James Mason et Jack Carson
Édité par Warner Bros. Entertainment France
Norman Maine, acteur vieillissant et alcoolique, décèle en Esther Blodgett, une jeune chanteuse, un talent qui ne demande qu’à s’épanouir. Mais Norman, une fois marié à Esther, étoile naissante de la comédie musicale, supporte mal le succès de sa femme et se remet à boire…
Dans What Price Hollywood ?, une oeuvre méconnue et injustement oubliée dans la filmographie de George Cukor sortie sur les écrans en 1932, le réalisateur prenait pour cible les studios américains et la recherche de la célébrité, en n’épargnant personne et surtout pas le système hollywoodien et du vedettariat avec une sublime ironie. Le style Cukor y prenait alors son envol avec un rythme endiablé, des répliques qui fusent à cent à l’heure en se chevauchant. Considéré comme l’un des meilleurs films sur les coulisses de l’Age d’or d’Hollywood où les stars se font et disparaissent en un claquement de doigts, What Price Hollywood ? faisait découvrir au spectateur l’envers du décor en dévoilant ce qui se cache derrière le strass et les paillettes du cinéma américain. L’alcool est dévastateur, l’industrie (ennuyeuse) broie ses employés, les coups bas demeurent chroniques.
Rétrospectivement, What Price Hollywood ? apparaît presque comme un prologue à Une Etoile est née que William A. Wellman réalisera en 1937. Alors que George Cukor avait décliné la première version d’Une Etoile est née, il accepte d’en réaliser un remake en 1954 à travers un drame musical. Il en reprend la trame originale inspirée à l’époque de l’histoire du comédien John Barrymore, vedette déchue dont l’alcool ruina la carrière. Disposant de moyens conséquents, des stars James Mason et Judy Garland, de décors grandioses et du Technicolor flamboyant, ce grand classique hollywoodien n’a certes pas la même force que le film original, mais demeure un grand et beau divertissement.
Après de nombreux ennuis de santé, dépressions nerveuses, sautes d’humeur, hospitalisations, un divorce difficile, une dépendance aux médicaments et à l’alcool qui l’a conduite à une tentative de suicide en 1950, Judy Garland fait son retour devant la caméra, quatre ans après La Jolie fermière de Charles Walters. Malgré toute la bonne volonté du monde, la chanteuse et comédienne apparaît fatiguée dans le film de George Cukor. Ses chorégraphies demeurent lourdes, comme si l’actrice était lestée de poids dont elle n’arrivait pas à se débarrasser. Finalement, Une Etoile est née vaut beaucoup plus pour son histoire dramatique, liée de manière troublante au parcours de la comédienne, que pour ses scènes chantées et dansées, qui arrivent souvent comme un cheveu sur la soupe et restent surtout trop longues. De son côté, son partenaire James Mason lui vole la vedette et livre une prestation extraordinaire.
George Cukor réalise son 37è film, le premier en couleur et son premier musical. Si on l’a connu plus virtuose (ce sera la cas pour My Fair Lady en 1964), la mise en scène demeure fluide, parfois aérienne, souvent inspirée et sophistiquée. Les décors recherchés, les chansons, les costumes, le cadre large habilement exploité, le charisme magnétique de James Mason, la voix angélique de Judy Garland, la critique acerbe de l’industrie hollywoodienne, tout est réuni pour faire d’Une Etoile est née un divertissement quatre étoiles.
Warner dégaine un énorme coffret métallique qui ne tient nulle part. Dans ce coffret, réside un livret de 36 pages ainsi qu’un digipack en trois volets comprenant le résumé du film à gauche, le Blu-ray au centre, le DVD du film et celui des suppléments à droite. Notons qu’il a fallu quelques minutes à l’auteure de ces mots pour comprendre comment les deux disques de droite étaient imbriqués et devaient se retirer sans rayer les galettes…Le menu principal du Blu-ray est fixe et musical.
Nous pouvions nous attendre à mieux pour une édition estampillée « Ultimate ». Si le Blu-ray et le DVD du film ne comprennent aucun supplément, quelques bonus se retrouvent dispersés sur un deuxième disque. Signalons qu’aucun ajout n’a été effectué depuis l’édition collector 2 DVD sortie en 2002. Un comble !
Warner livre tout d’abord quatre versions alternatives de la séquence où Judy Garland interprète la chanson The Man that got away (16’). Les costumes (un chemisier noir, une robe marron) et les décors changent, mais le studio n’avait pas l’air de se décider…jusqu’au résultat final visible dans le montage final. Une autre scènes coupée intitulée When my sugar walks down the street (1’15) est également disponible. Un carton d’introduction en anglais (non sous-titré en français) replace ces rejets dans leur contexte.
Outre une page résumant les récompenses (le Golden Globe pour les deux comédiens principaux), un lot comprenant les bandes-annonces (10’) des trois versions d’Une Etoile est née (1937, 1954, 1976), nous trouvons quelques suppléments liés à la sortie du film.
C’est le cas d’un court reportage d’une minute sur la Première à Hollywood, considérée à l’époque comme la plus grande soirée jamais organisée dans la Mecque du cinéma où on aperçoit Gary Cooper, Liberace, Clark Gable et Judy Garland, saluer des milliers de fans.
Tout ce beau monde est d’ailleurs de retour, en plus du gratin de l’époque : Dean Martin, Raymond Burr, Edward G. Robinson, Debbie Reynolds, Kim Novak, Peggy Lee, Joan Crawford, Cesar Romero, Jack Palance, Doris Day, Shelley Winters, Lauren Bacall, Janet Leigh, Tony Curtis, Alan Ladd et bien d’autres, qui viennent faire un petit coucou (« bonjour, merci beaucoup et bonne projection » n’arrête pas de scander le présentateur) devant la caméra lors de la fameuse Première d’Une Etoile est née au Pantages Theatre (30’).
Ce reportage est suivi d’un module de 5 minutes sur la soirée organisée après la projection du film au Coconut Grove de Los Angeles, lieu où ont été tournées deux séquences importantes d’Une Etoile est née. Attablés, les convives écoutent Jack Warner féliciter l’équipe. Timidement, Judy Garland prend ensuite la parole.
S’ensuit un spot promotionnel présenté par Jack Warner himself (6’), vantant les qualités des films distribués par ses soins en 1954. Une Etoile est née fait évidemment partie du lot et nous pouvons voir ici quelques séquences inédites du film. Jack Warner s’adresse directement aux spectateurs afin de les inciter à venir voir ce grand spectacle au cinéma, alors que la télévision commence à prendre une place importante dans les foyers américains.
Quelques rushes audio (5’) inédites sont également disponibles, mais rien de vraiment marquant.
C’est tout pour l’édition HD française de ce grand classique hollywoodien. Aucun documentaire rétrospectif ni de making of, et encore moins d’interviews à se mettre sous la dent. Maintenant, rappelons que le Blu-ray import comprend également une featurette promotionnelle dévoilant rapidement l’envers du décor, au moins 1h40 d’archives audio en plus de celles disponibles sur l’édition française, des versions alternatives de séquences chantées, des essais sur la couleur, une parodie d’Une Etoile est née avec Bugs Bunny et Daffy Duck dans les rôles principaux. Vous savez ce qui vous reste à faire…
Warner redonne ses lettres de noblesse au Technicolor d’Une Etoile est née, premier film en couleur de George Cukor. Quel plaisir de redécouvrir les bijoux de l’âge d’or d’Hollywood dans de telles conditions ! Les cinéphiles seront aux anges avec cette image restaurée en 6K où l’apport HD demeure omniprésent, offrant aux spectateurs un relief inédit, une colorimétrie vive et chatoyante (explosion de jaune, vert, rose, rouge, bleu), bien que de minces décrochages sur les fondus enchaînés ainsi que des baisses de la définition et des noirs sensiblement poreux demeurent notables. Si certains contrastes auraient mérité d’être allégés, la propreté de la copie présentée dans son format original 2.55 est immaculée (il a fallu cinq mois pour dépoussiérer le master), la stabilité et la clarté sont de mise (les décors brillent de mille feux), le piqué est aiguisé comme un rasoir, le grain cinéma respecté, la profondeur de champ inédite et la compression VC-1 de haute volée. L’éditeur frôle la perfection, mais il serait difficile de faire mieux sans commencer à dénaturer les partis-pris esthétiques concoctés par le chef opérateur Sam Leavitt. Notons qu’il s’agit ici de la version de 1983 complétée par quelques photographies remplaçant les scènes définitivement (?) perdues, et pour lesquelles ne subsistent que la bande-sonore. Une des séquences retrouvées et montées, celle où Judy Garland travaille dans un fast-food (47è minute), demeure endommagée et détonne par rapport au reste du film. L’entracte à 1h25 est replacé ici, ce qui n’est pas le cas sur l’édition DVD du film.
L’éditeur ne fait pas les choses à moitié et livre une piste DTS-HD Master Audio 5.1 souvent saisissante, même si les puristes rechigneront devant ce remixage. Dès l’ouverture, l’ampleur musicale est inédite et immersive, toutes les enceintes sont mises à contribution et le caisson de basses y participe activement. La pureté acoustique de ce nouvel écrin acoustique est inégalée, le souffle inexistant, les dialogues sont délivrés avec force sur la centrale tandis que les frontales exsudent leurs effets avec fracas. Evidemment, ce sont les séquences musicales qui sont les mieux loties. Moins dynamique, obsolète mais relativement honnête, la version française Dolby Digital 2.0 parvient à créer un confort acoustique suffisant et cette fois encore, les séquences musicales décollent par rapport au reste. Contrairement à l’édition DVD, les chansons sont ici sous-titrées en français.