Réalisé par Judd Apatow
Avec
Paul Rudd, Leslie Mann et John Lithgow
Édité par Universal Pictures Home Entertainment
Seul homme à la maison, Pete est marié depuis des années à Debbie avec qui il a eu deux filles, Charlotte et Sadie, âgées de 8 et 13 ans. Pete aura bientôt 40 ans et le bilan est rude : Unfiltered Records, la maison de disques indépendante qu’il a créée, bat de l’aile, son père Larry, qui a récemment, et artificiellement, engendré des triplés, compte éhontément sur son soutien financier pour nourrir cette nouvelle famille, et à la maison, la vie n’est pas non plus un long fleuve tranquille.
Le quotidien avec Debbie et les filles est une série de conflits et de complications sans fin. Quant à Debbie, elle a ses propres difficultés professionnelles et filiales. Elle essaie opiniâtrement d’être une épouse et une mère parfaite, mais elle a un mal fou à négocier le virage de la quarantaine. Et pour couronner le tout, leur aînée est en pleine crise de puberté. Pete et Debbie ont atteint l’âge où le pardon, à eux et aux autres, et le lâcher-prise sont des conditions sine qua non pour parvenir à profiter du reste de leur vie… en évitant d’en passer par le meurtre.
Si Funny People avait déçu plus d’un spectateur en raison de son ton mi-figue mi-raisin, Judd Apatow revient derrière la caméra pour le meilleur et surtout pour le rire. Entouré de sa petite tribu habituelle, sa femme (la merveilleuse Leslie Mann), ses deux filles Maude et Iris (géniales et très prometteuses), Paul Rudd, Jason Segel, Charlyne Yi, Chris O’Dowd (découvert dans Mes meilleures amies), le réalisateur signe avec 40 ans : mode d’emploi une comédie sublime qui l’élève au rang d’un Capra (chronique sociale), d’un Wilder (l’art d’étendre les séquences et les échanges), du Woody Allen d’un temps révolu et même d’un John Cassavetes qui lui aussi dirigeait sa femme dans un univers très inspiré de leur quotidien.
Véritable film d’auteur marqué par des répliques brillantes voire magnifiques, 40 ans : mode d’emploi enchaîne les morceaux de bravoure (mention à l’apparition hilarante de Melissa McCarthy) et scènes destinées à devenir cultes, comme des perles sur un collier. Comme toujours, la vie (devrait-on dire sa vie ?) inspire Judd Apatow : le mariage, le sexe, les enfants, l’argent, la réussite, les échecs, l’amitié, et ici la crise existentielle de la quarantaine en reprenant les personnages de Pete et Debbie apparus dans En cloque, mode d’emploi. Avec ce spin-off, le metteur en scène atteint une maturité de ton, une virtuosité dans le montage, le rythme (même si le film dure 2h15), la mise en scène (jamais étouffante) et la direction d’acteurs.
Les personnages principaux se retrouvent confrontés à une remise en question à l’aube de leurs 40 ans : leur boulot part en vrille, leur fille aînée est en pleine crise d’adolescence (le temps passe très vite), leurs pères respectifs sont irresponsables (John Lithgow et Albert Brooks, dans une partie de ping-pong verbal), leurs amis sont sur leur nuage. Les rapports humains, père-fils, mère-filles, père-fille(s), sont magnifiquement disséqués avec une précision d’entomologiste.
Alliant avec maestria, tendresse, humour ravageur, dialogues féroces, mélancolie et émotion, 40 ans : mode d’emploi atteint le spectateur en plein coeur et donne sérieusement envie de s’incruster dans cette petite famille de névrosés qui nous ressemble !
Le test a été réalisé sur check-disc. Universal reprend l’interface classique pour l’ensemble de ses Blu-ray. Le menu principal est animé et musical.
Attention, cette section est chargée et il vous faudra plus de cinq heures pour tout décortiquer !
On commence par un excellent commentaire audio (VOST) du réalisateur Judd Apatow. Comme il le dit d’entrée de jeu, le cinéaste compte bien profiter de ce moment de solitude pour parler du film, lui qui est habituellement entouré d’une bande de joyeux drilles qui passent les deux heures du commentaire pour faire des blagues en oubliant ce qui se déroule à l’écran. L’ambiance est clairement décontractée et même loufoque. Les aspects techniques (la photo, le montage, la musique, le casting) et les thèmes du film ne sont jamais oubliés, le rythme est soutenu, Judd Apatow se marre tout du long, nous aussi, surtout quand il se lance dans des délires franchement communicatifs. Les anecdotes de tournage sont nombreuses, le metteur en scène évoque les scènes coupées, dévoile certains éléments personnels à l’origine de certaines scènes. Comme nous avons pu le constater lors de sa Masterclass à l’UGC des Halles, Judd Apatow assure un spectacle à lui tout seul.
Un making of complet, dense et passionnant vient compléter intelligemment le commentaire audio. Long de 50 minutes, divisé en deux parties, ce documentaire construit comme un journal de bord (du premier au dernier jour des prises de vues), donne la parole au réalisateur Judd Apatow sur le plateau, ainsi qu’à l’entièreté des comédiens, au chef décorateur, au chanteur de rock et compositeur anglais Graham Parker. Les images de tournage, y compris celles issues de scènes finalement laissées sur le banc de montage (la véritable vaccination des enfants réalisée par l’infirmière de la famille Apatow), donnent un bel aperçu de la bonne ambiance qui régnait en dehors des prises, les thèmes du film sont largement abordés et un petit parallèle sympa est fait avec En cloque, mode d’emploi. C’est ici que vous verrez et en apprendrez le plus sur la méthode Apatow, des premières lectures en passant par les répétitions jusqu’aux improvisations soufflées en direct par le cinéaste à ses acteurs.
16 scènes coupées (36’) montrant tout ce qui a pu être laissé sur le banc de montage, sont ensuite disponibles. Cette section présente les séquences dont nous avons pu avoir un bel aperçu dans le making of à l’instar de la vaccination des filles. Elles se révèlent tout aussi indispensables que le film puisqu’elles prolongent le quotidien agité de la petite famille : les difficultés de Pete à promouvoir Graham Parker même auprès de sa famille (personne ne veut des CD gratuits distribués après le concert), une conversation sur Skype entre Sadie et son copain tournant autour de la famille Kardashian (très drôle et montrant le talent comique de la fille aînée du réalisateur), des exercices sportifs supplémentaires entre Debbie et Jason, plusieurs versions d’un repas entre amis (vous ne verrez plus les toilettes pour handicapés de la même façon) tandis que les enfants sont également plongés dans leur propre discussion avec un petit garçon névrosé, un petit-déjeuner en famille tournant au concours de « figure sérieuse ». D’autres scènes montrent Pete cherchant désespérément un musicien ou un chanteur à produire (« j’arrive pas à me décider si c’est de la bonne musique ou de la merde »), ainsi qu’un épilogue finalement coupé qui montrait l’arrivée d’une troisième fille dans le foyer.
Comme dans la précédente section, une belle place est également laissée aux géniales et souvent hilarantes versions longues et alternatives de certaines séquences du film (18’) : le fantasme de la femme décédée partagé entre Pete et Barry, la collaboration de Pete avec son idole (vieillissante) Graham Parker, les chamailleries entre les deux soeurs, le pronostique du docteur indien (« eat Frrrroutzes ! »), les conseils du banquier à Debbie pour réduire les dépenses, le corps qui change avec l’âge.
L’excellent comédien Albert Brooks, vu dans Drive, Taxi Driver, Tendres passions, se voit auréoler d’un module exclusivement centré sur sa personne (11’). Celui qui incarne le père de Paul Rudd dans 40 ans : mode d’emploi revient sur sa collaboration avec Judd Apatow (très beaux propos par ailleurs), la difficulté et la patience nécessaire quant au travail avec les enfants en bas âge.
Quelques images de tournage et issues d’improvisations prolongeant le supplément précédent sont également disponibles dans le segment intitulé Brooks-o-rama (3’).
Comme souvent dans ses films, Judd Apatow s’est fait plaisir avec la bande originale. Pour 40 ans : mode d’emploi, il a convoqué l’un de ses musiciens, chanteurs et compositeurs favoris, Graham Parker et son groupe The Rumour, qui s’est reformé pour l’occasion trente ans après leur séparation. Ils apparaissent dans le film dans leur propre rôle. Ce n’est donc pas une surprise de retrouver un documentaire racontant leur histoire (17’), montrant les retrouvailles émouvantes des musiciens visiblement heureux de reprendre leurs instruments pour enregistrer un nouvel album. Les images montrent diverses sessions d’enregistrement (13 chansons en 4 jours) et des entretiens avec le groupe.
Ceux qui auront aimé le supplément précédent seront comblés car ils trouveront dix chansons live, cinq par Graham Parker avec son groupe The Rumour, deux par Graham Parker en solo, et trois par le chanteur et musicien Ryan Adams (35’).
Sur le plateau, Judd Apatow est omniprésent, souvent près de ses acteurs et leur souffle constamment un lot de répliques alternatives pour plus tard avoir le choix au montage. La rubrique Réplique-o-rama (8’) propose une compilation hilarante de ces dialogues souvent improvisés sur le moment.
C’est un peu la même chose pour le segment intitulé A vélo avec Barry (3’) qui propose un montage de différentes répliques de Robert Smigel alias Barry dans 40 ans : mode d’emploi, philosophant sur la vie lors de la séance de sport hebdomadaire avec Pete (3’).
S’il y a bien un bonus à ne pas manquer sur cette édition HD, c’est sans conteste le Triumph, the Insult Comic (9’). Un rottweiler en marionnette (cigare dans la gueule), manipulée par l’acteur Robert Smigel (qui lui prête également sa voix), interviewe les comédiens et le réalisateur sur le plateau en leur lançant leurs quatre vérités et en leur rappelant les films ou séries qu’ils auraient bien voulu oublier. Judd Apatow se fait notamment reprocher la durée excessive de ses films. Vraiment très drôle.
40 ans : mode d’emploi laisse une plus grande part aux filles de Leslie Mann et Judd Apatow que dans En cloque, mode d’emploi. Un bonus leur est entièrement consacré intitulé Enfants en cavale (12’), constitué de rushes souvent tordantes. Maude (la brune, l’aînée) et Iris (la blonde, la cadette) révèlent dans le film un énorme potentiel comique, mais aussi un talent indéniable devant la caméra.
L’interactivité se clôt sur un bêtisier drôle et contagieux (8’) et un spot publicitaire pour Bodies by Jason avec Jason Segel.
Les comédies aussi ont souvent besoin d’être soignées en Blu-ray. Tout d’abord, c’est la clarté, le relief des séquences diurnes et en extérieur qui impressionnent et flattent la rétine, à l’instar du repas de famille pour l’anniversaire de Pete, marqué par des couleurs dorées et chatoyantes. Le piqué est vigoureusement acéré, les noirs denses, les détails abondent aux quatre coins du cadre large et les contrastes affichent une très belle densité. Seules les scènes en basse lumière témoignent d’un sensible fléchissement de la définition, mais le codec AVC limite la casse. En dehors de cela, c’est très plaisant et un léger grain s’invite à la partie. Un transfert très élégant.
40 ans : mode d’emploi est un bijou de comédie reposant souvent sur les dialogues. Il n’est donc pas étonnant que les mixages anglais DTS-HD Master Audio 5.1 et français DTS 5.1 fassent la part belle aux enceintes frontales et à la centrale d’où émergent les voix des comédiens et les effets annexes. Dans les deux cas, la spatialisation est essentiellement musicale (voir le concert de Graham Parker, la scène en discothèque) et, sans surprise, la version originale l’emporte sur son homologue de par son ampleur, son relief et sa dynamique. De même, les ambiances se révèlent plus riches, harmonieuses et naturelles sur la piste anglaise.
Crédits images : © Universal