Réalisé par Todd Haynes
Avec
Cate Blanchett, Rooney Mara et Kyle Chandler
Édité par TF1 Studio
Dans le New York des années 1950, Therese, jeune employée d’un grand magasin de Manhattan, fait la connaissance d’une cliente distinguée, Carol, femme séduisante, prisonnière d’un mariage peu heureux. À l’étincelle de la première rencontre succède rapidement un sentiment plus profond. Les deux femmes se retrouvent bientôt prises au piège entre les conventions et leur attirance mutuelle.
Depuis son dernier long métrage I’m Not There en 2007, le réalisateur Todd Haynes n’a pas chômé. Entre sa minisérie Mildred Pierce avec Kate Winslet et Evan Rachel Wood, un épisode de la série Enlightened, un segment du documentaire collectif Six by Sondheim consacré au compositeur Stephen Sondheim, la production des films de Kelly Reichardt, le cinéaste californien n’a jamais arrêté. Il revient à la mise en scène avec Carol, tiré du roman The Price of Salt de Patricia Highsmith, publié en 1952 sous le pseudonyme de Claire Morgan. Pourquoi la créatrice du personnage de Tom Ripley et de L’Inconnu du Nord-Express a-t-elle sortie son deuxième roman dans ces conditions ? En raison de son thème sulfureux pour l’époque qui s’inspirait alors d’une romance que Patricia Highsmith avait entretenue avec une autre femme, bourgeoise et plus âgée qu’elle, qui venait alors de perdre la garde son enfant en raison de son orientation sexuelle. Sujet tabou qui va alors à l’encontre des valeurs propres à la société américaine de l’Amérique des années 1950, The Price of Salt a néanmoins connu un grand succès commercial et critique dès sa sortie, en étant adopté par la communauté lesbienne.
Carol raconte la rencontre et le coup de foudre amoureux entre deux femmes d’âge et de milieu social différent. Comme dans la plupart des films de Todd Haynes, les niveaux de lecture sont multiples. La musique, l’atmosphère, l’élégance du cadre, les décors (Cincinnati pour figurer le New York des années 1950), les costumes, l’extraordinaire photographie Super 16mm du chef opérateur Edward Lachman, inspirée du travail des femmes photographes de cette période, participent à une immersion totale. Le spectateur est hypnotisé dès les premières images.
Les thématiques du cinéma de Todd Haynes, la monotonie du quotidien, comment assumer sa solitude, le droit à la différence, la peur du regard des autres, la marginalisation sont au coeur de Carol. En confiant les deux rôles principaux à Cate Blanchett (Carol) et Rooney Mara (Therese), Todd Haynes ne pouvait ne pas atteindre les cimes et surtout ne pas passer à côté de ce sujet après Loin du Paradis, inspiré de Tout ce que le ciel permet de Douglas Sirk, qui traitait déjà de la question de l’homosexualité - classée au rang de maladie mentale par le monde de la psychiatrie - dans l’Amérique WASP puritaine et intolérante de l’après-guerre.
Mélodrame, mais aussi et avant tout histoire d’amour universelle, Carol se penche sur la relation « interdite » entre Therese, une jeune employée d’un grand magasin de Manhattan, vivant une relation sans passion avec un homme de son âge, et Carol, femme mûre et de niveau social élevé, qui est en train de divorcer. Si tout paraît les opposer, elles se sentent attirées l’une par l’autre malgré les interdits d’une société corsetée. Si Carol apparaît tout d’abord distante et même glaciale avec Therese, alors très impressionnée, ce n’est qu’en raison de sa difficile séparation avec son époux (Kyle Chandler), père de sa petite fille et qui doit se résoudre à la laisser partir en ne se faisant aucun doute quant aux préférences sexuelles de sa femme. Tout d’abord décontenancée, Therese, peu à l’aise en société, va se révéler à elle-même au contact de Carol, de vingt ans son aînée. Mais comment vivre et laisser s’exprimer ses sentiments dans une société qui n’a de cesse de fustiger la différence et de dicter la conduite à adopter ?
Avec ses regards troublants, ses gestes esquissés, ses frôlements délicats, ses silences intenses, Carol foudroie le spectateur en plein coeur. Présenté en compétition au Festival de Cannes en 2015, Carol est reparti avec la Queer Palm et le Prix d’interprétation féminine pour la sublime Rooney Mara. Flamboyant chef d’oeuvre de l’année 2016.
Le test du Blu-ray de Carol, disponible chez TF1 Vidéo, a été réalisé à partir d’un check-disc. Le menu principal est élégant, animé et musical.
Cette section est bien remplie !
Nous commençons tout d’abord par le making of (17’), qui compile quelques instantanés de tournage, sans propos promotionnels plombants. C’est une véritable plongée sur le plateau que l’on nous propose ici, l’occasion d’admirer les comédiennes entre les prises, durant les répétitions ou Todd Haynes à l’oeuvre avec son équipe.
Ensuite, ne manquez pas les interviews de Cate Blanchett (14’), Rooney Mara (8’), Todd Haynes (17’), du chef opérateur Edward Lachman (7’) et de la productrice Christine Vachon (6’). Chacun s’exprime sur l’histoire et le roman de Patricia Highsmith, les différences entre le scénario et l’oeuvre originale, les personnages, la collaboration avec les acteurs et le réalisateur, les thèmes, l’aspect visuel, le tournage dans la ville de Cincinnati.
Todd Haynes intervient également lors d’une interview réalisée lors de la présentation de Carol au Festival de Cannes en 2016. Quelques propos font évidemment redondance avec ce que nous avons pu entendre précédemment, mais l’ensemble ne manque évidemment pas d’intérêt, surtout lorsque le cinéaste compare Cate Blanchett à Monica Vitti et Gena Rowlands, tout en imaginant le casting si Carol avait été réalisé dans les années 50 (Barbara Stanwyck dans le rôle de Carol et Jean Simmons dans celui de Therese).
Dans un carton en introduction, l’éditeur annonce que le grain original est une volonté artistique du cinéaste, que TF1 Vidéo a voulu respecter. L’image de Carol en Blu-ray est fidèle à celle découverte lors de leur sortie dans les salles. Afin d’évoquer le langage cinématographique des années 50, le réalisateur Todd Haynes et le chef opérateur Edward Lachman (Loin du paradis, Erin Brockovich, seule contre tous) ont opté pour un tournage en Super 16mm. Le master HD édité par TF1 Vidéo restitue habilement ces volontés artistiques en conservant un superbe grain cinéma, des couleurs fanées et désaturées dans les intérieurs (teintes vertes et ambrées sorties d’un tableau d’Edward Hopper), froides pour les scènes en extérieur, des contrastes léchés ainsi qu’un relief constamment palpable. Ces volontés artistiques entraînent certes une image parfois plus douce, une sensible perte de la définition sur les séquences nocturnes et un léger bruit vidéo, mais la compression AVC consolide l’ensemble avec brio, les détails sont beaux et la copie éclatante.
Les mixages anglais et français DTS-HD Master Audio 5.1 se révèlent particulièrement sobres, mais instaurent un confort acoustique suffisant. En version originale, si les dialogues s’avèrent plus discrets, la centrale parvient à leur donner un relief en adéquation avec les sentiments des personnages. Evitez le doublage français. Dans les deux cas, la spatialisation musicale demeure évidente, les latérales soutiennent l’ensemble comme il se doit, les ambiances naturelles ne manquent pas. Les sous-titres français destinés au public sourd et malentendant sont disponibles.
Crédits images : Wilson Webb © Number 9 Films, Film4, Killer Films