Le Géant de fer (1999) : le test complet du Blu-ray

Venu des étoiles, un mystérieux géant est sauvé par un courageux gamin de 8 ans, Hogarth. Leur amitié, leur joie de vivre et leur curiosité mutuelle seront-elles plus fortes que la bêtise des hommes obsédés par la guerre, qui refusent le simple droit à la différence ?

« Si une arme avait une âme et décidait de ne pas être une arme ? »

C’est la question aussi profonde qu’incongrue que s’est posé Brad Bird (Les Indestructibles, Ratatouille, À la poursuite de demain) après la lecture du livre The Iron Man de Ted Hughes. Cette histoire d’amitié inattendue entre un enfant et un colosse de métal venu on ne sait d’où, fut écrite par Hughes pour ses enfants, suite à la disparition tragique de leur mère. Déjà attiré par l’originalité de l’histoire, Brad Bird trouvait dans cette histoire un écho bien particulier à la perte d’une de ses soeurs (Le Géant de fer lui est dédié).

La vie, la mort, le sacrifice, le droit à la différence, l’acceptation de ce que l’on ne comprend pas… autant de thèmes assez difficiles à « vendre » à un studio pour un film d’animation… et pourtant, par une extraordinaire conjonction d’événements, d’opportunités et aussi de sacrifices, Brad Bird (dont c’était le premier long métrage !) et son équipe ont réalisé l’impossible : produire un film d’animation aussi solide que sublime, avec le moitié du budget et du temps consacrés par Disney pour Tarzan, leur champion du moment.

Tenace, colérique, passionné à l’extrême, Brad Bird ne laisse rien passer, invente les sessions où le travail de chacun est commenté devant toute l’équipe, et inspire même l’un des artistes storyboardeurs qui invente l’animatic, ce storyboard animé dont Hollywood ne sait plus se passer aujourd’hui.

Mais surtout, Bird et sa troupe de fondus accouchent d’un film d’animation hors du commun, un « classique instantané » comme disent les américains. Un tour de magie qui mêle animation traditionnelle et images de synthèse à une histoire touchante au possible et qui fait émerger une émotion rappelant fortement ce que l’on a pu ressentir à la projection de E.T., l’Extra-Terrestre.

Derrière le design nostalgique des personnages (l’action se déroule à la fin des années 50), on retrouve un casting voix taillé sur mesure avec un Vin Diesel quasiment inconnu à l’époque qui prête son timbre profond au géant ; Jennifer Aniston alors en pleine gloire grâce à la série Friends, pour la mère du jeune héros et Harry Connick Jr., dont la nonchalance colle parfaitement au personnage de Dean, un marginal qui va le premier, partager le secret du jeune garçon.

Pour la partie musicale, c’est le regretté Michael Kamen (L’arme fatale, Highlander, Piège de cristal, Robin des Bois, prince des voleurs) qui aura la joie de composer une musique ample qui porte, elle aussi, un parfum de nostalgie et des sonorités chères à la grande époque hollywoodienne.

Si Le Géant de fer est aujourd’hui considéré comme l’un des meilleurs films d’animation de tous les temps, son succès fut malheureusement plus que confidentiel car sorti dans la précipitation et sans grande conviction par la Warner face à un Tarzan qui occupait le moindre emplacement publicitaire. C’est le bouche à oreille, et la carrière vidéo qui ont fait de ce film le classique incontournable qu’il est aujourd’hui, l’un des derniers bastions d’une animation fabriquée sur papier, et dont Hollywood s’est vite débarrassé au cours des années 2000. Le milieu professionnel n’avait tout de même pas manqué de saluer la réussite artistique de Brad Bird et ses minions en lui décernant 9 Annie Awards, dont ceux du meilleur film (devant Tarzan, Le Prince d’Egypte et 1001 pattes), du meilleur réalisateur, de la meilleure musique, et du meilleur scénario… une revanche éclatante face au musclé de la jungle.

Si l’on reparle tant du Géant de fer aujourd’hui, c’est que, non seulement il le mérite, mais aussi que fort de l’insistance des fans et de l’implication de Brad Bird, le film a été entièrement remastérisé et s’est vu récupérer deux scènes coupées, prévues à l’origine mais écartées par manque de temps et de moyens, pour une ressortie en salles. Les deux scènes en question apportent quelques lignes de dialogue entre la mère de Hogarth et Dean, mais surtout la séquence courte mais impressionnante d’un rêve du Géant. On remarque à peine qu’elles viennent d’être finalisées tant elles s’intègrent à merveille au montage. Cette Signature Edition peut, dès lors, et sans sourciller, prétendre au titre de « version définitive » de ce chef d’oeuvre.

Pour ses 18 ans, Le Géant de fer profite donc enfin d’une sortie vidéo soignée, non seulement en HD, mais aussi en collector avec cette édition limitée.

Le coffret carton est assez fin, très classe, vernis et irisé, et se retrouve vite plein de traces de doigts. Il contient un boîtier Blu-ray standard qui accueille la galette Blu-ray et le DVD, toutes deux présentant le film remastérisé dans sa version Signature et son montage original ; cinq Art Cards d’artistes du collectif Mondo qui ont livré leur version du Géant ; une figurine du Géant de fer de taille très modeste (une bonne dizaine de centimètres) mais qui vient combler l’absence quasi absolue de merchandising en Europe sur ce film ; et enfin la lettre de Brad Bird traduite en français, qui reprend beaucoup le discours entendu dans le nouveau making of et dédie cette édition « à ceux qui ont vu Le geant de fer, ceux qui en ont encouragés d’autres à le voir… ».

Impossible de parler de cette édition sans la comparer à son équivalent américain, de taille beaucoup plus imposante, qui contient la même figurine, dans laquelle les cartes et la lettre sont deux fois plus grandes, et qui contient également une sorte d’Art Book pas vraiment indispensable. La différence de prix (35 € de plus pour l’édition US) ne sera justifiable que pour les fans les plus acharnés.

Non content de proposer deux versions du film totalement remastérisées, ce Blu-ray réunit non seulement tous les bonus édités précédemment (entre 1999 et 2003), mais ajoute une bonne heure de suppléments inédits dont le plus gros morceau est un making of rétrospectif. De sa vocation très jeune, au conte de fées (son entrée chez Disney) qui tourne à la déception (sa sortie fracassante de chez Disney), puis à l’aventure difficile que fut l’accouchement du Géant de fer, Brad Bird se raconte et nous guide dans ce documentaire passionnant, très éloigné de la langue de bois habituelle. Personne n’est épargné, pas même le réalisateur qui fait part de ses doutes et de son énergie du moment, instants étayés par des images d’archives inédites. La naissance de ce film de légende n’a pas été une partie de plaisir tous les jours et il a visiblement fallu faire preuve d’une ténacité (d’une folie diront certains) pour en voir le bout.

Autre élément inédit, Les mines de sel nous invite à suivre Andrew Jimenez, storyboardeur sur le film et inventeur des animatics, qui s’enfonce dans les archives de la Warner (enterrées à 200 mètres de profondeur dans une mine de sel du Kansas), pour y retrouver les dessins préparatoires originaux du film.

Dessiné à la main est un ultime hommage de Brad Bird à l’animation traditionnelle sur papier (art désormais oublié à Hollywood) et à ses artistes.

On termine cette section nouveaux bonus avec la bande-annonce de la Signature Edition et le commentaire audio de Brad Bird sur les deux scènes rajoutées. Ce commentaire audio est le même que celui de 2003 mais avec de légères modifications autour de ces fameuses scènes supplémentaires.

Viennent ensuite les bonus de l’édition DVD de 2003 qui s’ouvrent justement sur le commentaire audio de Brad Bird, Tony Fucile (resp. animation), Jeff Lynch (chef dep. histoires) et Steven Markowski (supervis. animation) (malheureusement non sous-titré). Des interventions passionnantes, là aussi sans langue de bois, et qui détaillent bien plus de choses que tous les making of réunis.

Les scènes coupées sont surtout là à titre d’archives souvent sous forme de storyboards ou animatics. Elles sont introduites par Bird. À noter que les deux scènes ajoutés au motange Signature ne sont plus présentes ici, dommage pour les archivistes.

X-factor s’attarde sur le storyboardeur Teddy et ses idées souvent marquantes pour l’équipe ; Plonge et couvre-toi revient sur la conception du court métrage scolaire ridiculement drôle pour se protéger en cas d’attaque nucléaire ; Les voix est une featurettes qui s’intéresse surtout aux personnages, mais qui ne donne pas la parole aux acteurs ; La musique donne la parole à Michael Kamen qui explique son inspiration et son processus de création ; Derrière l’armure est une suite d’anecdotes développée en featurettes qui racontent beaucoup de choses reprises dans le making of, mais avec certaines images d’archives visibles uniquement ici ; BD en mouvement est un diaporama de dessins de recherche, de cellos, de décors, de recherches couleurs…, 4 minutes d’archives pour les fans ; et enfin la bande-annonce de Brad Bird nous présente ce que le réalisateur aurait voulu voir en tant qu’annonce de son film, sachant que ce sont souvent les studios qui conçoivent les bandes-annonces et que Brad Bird a détesté celle pondue pour son film à l’époque.

On retrouve même les bonus cachés, tous réunis en une seule vidéo, dont la lettre de Ted Hughes (mort un an avant la sortie du film) qui approuve à 100% la direction prise par Brad Bird avec le développement de son histoire.

Ce long mais passionnant retour dans le passé du film et sa genèse se termine par une anti-thèse, un making of de 1999 présenté par Vin Diesel, très promotionnel et clinquant, qui survole les étapes principales de la fabrication du film. On est très très loin du making of de 2016 et son ambiance laborieuse. Le film a même l’air d’une promenade de santé ! Mais il ne faut pas oublier que cette bande promo était faite pour vendre le film à l’époque de sa sortie.

Plus de 2h30 de suppléments sans compter le commentaire audio, là aussi le côté définitif semble atteint.

La remastérisation image du Géant de fer est proprement prodigieuse. Le film semble à peine sorti des mains des artistes. Grande stabilité, couleurs fraîches et vibrantes, contrastes impeccables, pas le moindre grain et une définition qui crève l’écran. On a attendu désespérément cette édition HD du film, mais l’attente est largement récompensée.

Rien de nouveau côté VF avec le même Dolby digital 5.1 au niveau assez faible et à la spatialisation un peu anémique (les deux nouvelles scènes conservent les mêmes voix de doublage). La VOST en revanche, profite d’un nouvel encodage en DTS-HD Master Audio 5.1 à la dynamique qui vient se coller parfaitement à la qualité exceptionnelle des images et permet au film d’atteindre une qualité globale de référence. La spatialisation, les basses et la musique gagnent en ampleur, et certaines séquences comme « l’inondation » ou la scène d’action finale peuvent encore en remontrer à des films plus récents.

Crédits images : © 1999 Warner Bros. Entertainment Inc.