Réalisé par Renny Harlin
Avec
Madelaine Petsch, Froy Gutierrez et Rachel Shenton
Édité par Metropolitan Film & Video
Oregon, USA 2024 : un homme est traqué à mort dans une épaisse forêt. Quelques temps plus tard, un jeune couple, se rendant de New-York à Portland pour raison professionnelle, quitte l’autoroute afin de se restaurer. Leur SUV tombé en panne à la suite de leur imprudence et la réparation ne pouvant s’effectuer avant le lendemain, on leur propose l’hébergement dans un chalet isolé. La nuit venue, ils deviennent la proie de mystérieux chasseurs.
Les Intrus (The Strangers : Chapter 1, USA 2024) de Renny Harlin est la première des trois parties d’un ample film durant au total environ 4H 30. Les producteurs ont décidé de le scinder en 3 épisodes afin de faciliter son exploitation : celui-ci est le premier et il est visible d’une manière autonome. Il annonce néanmoins, au moyen de quelques plans insérés dans son générique de fin, les deux épisodes suivants pas encore distribués en France. Les intrus est le remake (modifiant certains aspects de l’intrigue, en conservant certains autres) du The Strangers (USA 2008) de Bryan Bertino et de sa variation Strangers : Prey at Night (USA 2018) de Johannes Roberts. Mais on peut tout à fait le visionner sans rien connaître de ces titres antérieurs dont il se veut une variation plus réflexive qu’il n’y paraît.
La mise en scène de Harlin - un des cinéastes cinéphiles de la génération Hollywood venue à la réalisation à partir des années 1970-1980 - est non seulement référentielle mais aussi dynamique, millimétrée et sophistiquée, dotée d’une splendide photographie à écran très large. Interprétation homogène et scénario cauchemardesque qui s’attache aux détails afin de maintenir intacte la fine ligne rouge permettant à l’épouvante de devenir crédible. Deux thèmes du cinéma fantastique sont ici principalement illustrés : la régression et la chasse au gibier humain.Les Intrus se situe donc dans la continuité directe de titres classiques signés par des cinéastes aussi variés que Ernest B. Schoedsack (USA 1932), John Boorman (USA 1972), Tobe Hooper (USA 1974 et 1976), Wes Craven (USA 1977), John Carpenter (USA 1978), Sean S. Cunningham (USA 1980) et d’autres encore. On peut relever en outre quelques allusions plastiques (la voiture roulant dans la forêt filmée du ciel, la hache traversant la porte) au Shining (USA 1980) de Stanley Kubrick ou bien encore (la mention écrite ici, orale là, des statistiques criminologiques par ans, jours, heures, minutes et secondes) au mélange de film noir policier et de film fantastique qu’était l’inégal mais parfois admirable Cobra (USA 1986) de George Pan Cosmatos.
Les références sont avérées au niveau de l’histoire du cinéma fantastique mais aussi à celui de la propre filmographie de Harlin. Le spectateur cinéphile, notamment celui qui a suivi l’évolution de son oeuvre (au moins telle qu’elle fut exploitée chez nous) se souvient que son tout premier film (un des fleurons les plus confidentiels du cinéma de la violence de la période 1980-1990) - à savoir Frontière interdite (Born American, USA 1986) de Renny Harlin (*) - débutait lui aussi par une poursuite infernale au montage sophistiqué. Bien sûr, d’autres avant Harlin avaient fait débuter ainsi leur film (Robert Aldrich en 1955, Robert Hartford-Davis en 1964, Roger Corman en 1970), sans parler de ceux qui la haussait au niveau d’une action principale voire du film quasi-entier (Ernest B. Schoedsack et Irving Pichel en 1932, Roger Corman en 1957, Cornel Wilde en 1965) mais une idée n’est que le squelette d’une séquence : c’est la réalisation qui lui donne sa chair et c’est là que l’art s’y manifeste. Filmographiquement, cette variation Harlin de The Strangers s’ajoute à deux autres variations qui valaient - voire même dépassaient, sur le plan plastique - les titres originaux de la série à laquelle elles appartenaient, j’ai nommé Le Cauchemar de Freddy (A Nightmare on Elm Street IV : the Dream Master, USA 1988) de Renny Harlin et 58 minutes pour vivre (Die Hard 2 : Die Harder, USA 1990) de Renny Harlin.
De cette volonté d’imiter une forme en la dépassant, on arrive assez logiquement à une représentation dialectique : les étrangers du titre américain original ou les intrus du titre français d’exploitation sont aussi bien le jeune couple de héros par rapport au village où ils arrivent que leurs chasseurs par rapport au chalet devenu le refuge du couple, sans oublier le traqué initial dont on ne sait, pour l’instant, rien. De ce curieux jeu de négation et de négation de la négation, de cette curieuse quête d’identité reconductible en jeux de miroirs savamment dosés, les deux chapitres suivants pourraient confirmer l’ampleur. La quête d’identité est ici, en effet, le ressort de l’angoisse comme de l’action, par-delà l’attendu mais très brillant suspense du survival. Un peu comme si Harlin avait lui aussi médité cette célèbre formule qu’on attribue à l’acteur Lon Chaney : « Le comble de l’épouvante, c’est d’entendre frapper à votre porte sur le coup de minuit et de vous retrouver face à un clown immobile sur son seuil ».
(*) ll faudrait éditer dans des conditions cinéphiles (au format respecté et doté de sa VF d’époque) ce premier titre de Harlin (tourné en Finlande et dont l’action se déroule à la frontière russe et au-delà, durant l’époque soviétique) : les quelques copies qui en tournent occasionnellement sur Youtube sont techniquement indignes ou ignoblement recadrées.
1 Blu-ray BD50 région B édité par Metropolitan Filmexport le 12 septembre 2024. Durée du film : 91 minutes. Image couleurs en Full HD 1920x1080p AVC au format original 2.40 compatible 16/9. Son Dolby Atmos VO + VOSTF, DTS-HD Master Audio 5.1 en VF. Suppléments : commentaire audio, entretiens avec les producteurs, le réalisateur, l’actrice principale, le directeur photo, le scénariste, fragments filmés du tournage, note d’intention de Renny Harlin, galerie affiches et photos, bande-annonce originale. Belle illustration de jaquette correspondant aux affiches originales américaines.
Commentaire audio d’un producteur (C. Solomon) et de l’actrice M. Petsch (VO sans STF): d’emblée riche en informations (allusions cinéphiles à Kubrick), pointant la structure d’ensemble du film (trop long pour être exploité tel quel et finalement conçu comme un film en trois parties séparées), pointant aussi les éléments conservés des deux premiers titres de la « franchise » et ceux ayant été renouvelés. Malheureusement pas sous-titré donc uniquement accessible aux cinéphiles anglophones.
Réinventer un classique(VOSTF, durée 17’) : le titre de 2008 est-il un classique ? That is the question et on peut en discuter mais, l’histoire étant rusée, il est possible que ce remake le devienne un jour davantage que l’original. Plusieurs producteurs, le scénariste, l’actrice principale et quelques autres intervenants évoquent la genèse du projet, la structure du scénario, les éléments conservés et ceux modifiés par rapport au titre de référence de 2008. Riche en informations et en témoignages de première main. Une productrice insiste notamment sur la volonté de réalisme dans l’écriture de l’intrigue, unique berceau possible de la naissance du fantastique.
Aspects visuels et design (VOSTF, durée 11’) : Harlin et son directeur de la photographie Jose David Montero, certains producteurs, l’actrice principale et quelques autres évoquent l’aspect technique du tournage, les décors, la ressemblance de la Slovaquie (région de Bratislava) avec l’Oregon américain. Fragments filmés du tournage de plusieurs plans et séquences.
Galerie affiches et photos (durée 6’ environ) : une dizaine d’affiches, quelques dizaines de photographie d’exploitation, de plateau, de tournage et même, cerise sur le gâteau, du soir de la première cinéma. Riche en documents de première main d’histoire du cinéma.
Note d’intention de Renny Harlin : un texte de Harlin sur sa passion de jeunesse pour la littérature et le cinéma fantastiques, sur sa conception de la mise en scène, notamment lorsqu’elle doit illustrer un film relevant de ce genre. Bien traduit, mis à part une coquille transformant un participe passé en infinitif. Ce n’est certes pas l’ Esthétique de G.W.F. Hegel mais c’est une amorce de réflexivité (de l’artiste sur son art) qui n’est pas négligeable, d’autant moins que le texte est simple et sincère.
Bande-annonce originale (VOSTF durée 2’25”) : soignée et donnant une bonne idée de film, en excellent état technique, au format large respecté.
Excellente édition spéciale française aux bonus provenant essentiellement de l’édition américaine Lionsgate mais l’absence de sous-titrage du commentaire audio américain l’empêche d’accéder au rang d’édition « collector », auquel elle eût pu, sans cela, très aisément prétendre.
Image en couleurs Full HD 1920x1080p AVC (sur Blu-ray standard car il existe aussi une édition Blu-ray UHD 4K) au format original large 2.40 respecté compatible 16/9. Image argentique impeccable, transfert vidéo à l’excellente définition notamment durant les scènes nocturnes aux nuances colorimétriques remarquablement vives. Direction photo sophistiquée signée Jose David Montero.
VO, VOSTF en Dolby Atmos TrueHD, VF en DTS HD Master audio 5.1 mono : montage son très soigné, nourri de nombreux effets sonores ; belle musique symphonique composée par Justin Caine Burnett dans un registre ample et angoissant. Utilisation de quelques chansons des années 1970 et de mélodie classique au piano. La VF est dramaturgiquement assez bonne mais techniquement l’équilibrage dialogues-musique-effets sonores est inévitablement un cran en-dessous du Dolby Atmos de la VO. Audiodescription disponible : une voix la propose lors du menu d’accueil.
Crédits images : © 2023-2024 Lionsgate