Le Chien des Baskerville (1959) : le test complet du Blu-ray

The Hound of the Baskervilles

Réalisé par Terence Fisher
Avec Peter Cushing, André Morell et Christopher Lee

Édité par BQHL Éditions

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Le 09/10/2024
Critique

Adaptation plastiquement somptueuse produite par la Hammer Films et réalisée par Terence Fisher alors au sommet de son art : l’intrigue policière y vire régulièrement à l’épouvante fantastique.

Angleterre, région du Devonshire, vers 1650 : selon la légende, Sir Hugo Baskerville, noble cruel, débauché et meurtrier, est puni par un chien monstrueux - réputé surgi de l’enfer afin d’exterminer sa lignée désormais maudite - qui l’égorge dans une abbaye en ruine, isolée sur la lande de Dartmoor.

Londres, 1889 : Sir Charles Baskerville meurt de peur sur la même lande. C’est Sir Henry Baskerville qui hérite de son domaine et de son manoir. Il ne croit pas à la malédiction mais son incrédulité n’empêche pourtant pas sa vie d’être très gravement menacée. On fait appel à Sherlock Holmes et à son collaborateur le Dr. Watson afin qu’ils le protègent et qu’ils éclaircissent enfin ce terrible mystère.

Le chien des Baskerville(The Hound of the Baskervilles, GB 1959) de Terence Fisher (1904-1980) est la plus remarquable et la plus intense des adaptations cinématographiques classiques du roman policier homonyme d’Arthur Conan Doyle (1859-1930), édité en 1901. Elle fait suite à celles réalisées par Maurice Elvey (version muette, GB 1921), Richard Oswald (All., version sonore 1929), Gareth Gundrey (GB 1931), Sidney Landfield (USA 1939 avec Basil Rathbone) mais les surpasse toutes.

Plusieurs Innovations du remarquable scénario de Peter Bryan transforment en profondeur cette version 1959 : d’abord l’introduction de l’érotisme maléfique du personnage féminin principal (absent des versions antérieures) incarné par la belle Marla Landi ; ensuite la violence graphique de la section introductive : défenestration, torture, chasse du gibier humain par une meute de chiens hurlants, assassinat sanglant, attaque du chien démoniaque. D’emblée, nous ne sommes plus dans une version tout public mais dans un film d’horreur et d’épouvante, à l’érotisme et au sadisme qui demeure impressionnants. A ces deux innovations scénaristique, s’en ajoute une technique : l’introduction de la photo en couleurs de Jack Asher qui repose sur l’emploi de dominantes, sur des compositions sophistiquées, oscillant entre lyrisme glacé et expressionnisme virant au baroque. L’ouverture et la fin de cette version 1959 comptent sans doute parmi les plus belles séquences photographiées par Asher et mises en scène par Fisher pour la Hammer Films. Enfin, c’est l’occasion pour Peter Cushing de camper le personnage : il s’inspire bien sûr de l’interprétation classique de Basil Rathbone (pour les films de Roy William Neill produits par la Universal dans les années 1940) mais il s’inspire aussi un peu du personnage de Van Helsing qu’il jouait en 1958 : il y a des points communs thématiques entre les deux personnages, notamment leur positivisme philosophique davantage proche de celui d’un Bergson que de celui d’un Auguste Comte. Le restant du casting est homogène, y compris Christopher Lee dans un excellent second rôle. André Morell campe un Watson enfin adulte par rapport à celui autrefois enfantin campé par Nigel Bruce dans les films de la série Universal.

Concernant le chien monstrueux, deux chiens réels furent utilisés et maquillés par la production : le tournage fut difficile car ils étaient dangereux. L’idée d’une créature animée par effets spéciaux avait certes été caressée par la Hammer mais le budget s’y opposa. Lee aurait même été légèrement blessé au bras lors du tournage d’un plan de la séquence finale ; il fut en revanche hors de danger durant la séquence impressionnante de la tarentule dont il avait très réellement peur : le montage particulièrement soigné permet de s’en apercevoir lorsqu’on l’examine attentivement en vidéo mais sur grand écran cinéma, la séquence était notoirement terrifiante. Occasion de rappeler une vérité qu’il faudrait répéter mentalement chaque fois que l’on visionne un film cinéma en vidéo ; sa mise en scène a été conçue pour un écran large cinéma et son impact maximum s’obtenait bien évidemment dans ces conditions. Fisher n’avait pas l’idée qu’un jour les spectateurs pourraient commodément examiner et détailler le montage en vidéo. Tout cela était filmé pour être vu d’une traite en continuité face à une image comparativement bien plus impressionnante parce que bien plus vaste. Le petit écran et la vidéo modifient donc inévitablement l’appréhension plastique : ils en donnent une excellente idée mais n’en restitue pas véritablement la réalité historique. L’intérieur du manoir des Baskerville utilisa le même décor (évidemment remanié selon que l’action montre ses intérieurs vers 1650 ou bien en 1899) qui avait servi à l’intérieur du château pour Le Cauchemar de Dracula (Dracula / Horror of Dracula, GB 1958) de Terence Fisher.

Ce Hammer Film de 1959 - si remarquable fût-il en raison de sa continuité thématique et plastique avec les trois films fantastiques antérieurs de 1957-1958 tournés par Fisher - remporta cependant moins de succès public et d’argent qu’eux. La Hammer attribua ce phénomène à l’absence graphique de monstre et renonça à produire une série Sherlock Holmes dont ce titre aurait dû constituer le lancement. Pourtant, l’idée fit son chemin et Peter Cushing devait incarner par la suite, tant à la TV qu’au cinéma, davantage de fois le personnage de Sherlock Holmes que ceux de Frankenstein et de Van Helsing : le fait demeure peu connu en France car ni les films cinéma ni les épisodes de la série TV ne traversèrent la Manche.

Présentation - 2,5 / 5

1 Blu-ray BD-50 région B édité par BQHL Sidonys le 27 juin 2024. Durée film 87minutes environ. Images couleurs Full HD 1080p AVC au format original 1.66 respecté et compatible 16/9. Son Linear PCM 2.0 mono VF d’époque + VOSTF. Suppléments : documentaire sur Arthur Conan Doyle et interview d’Arthur Conan Doyle. Belle illustration de jaquette, supérieure à celle de toutes les éditions vidéo numériques antérieures en France et la première pouvant rivaliser en beauté plastique avec les affiches originales d’époque.

Bonus - 2,0 / 5

Le mystère Conan Doyle par Marianne Stjepanovic (durée 36 minutes environ) : bonne comparaison, attentive et nuancée, du livre original et du film de Fisher (mis à part le fait que ce n’est pas la séquence de la tarentule qui confère une première coloration fantastique au film de Fisher : c’est tout son début situé au dix-septième siècle qui le lui confère), illustrée par des extraits du film. Bonne introduction à la vie et à l’oeuvre de Conan Doyle. L’ensemble est stimulant et mérite quelques précisions.

En effet, ni le roman de Conan Doyle ni le film de Fisher n’ont grand chose à voir avec le « gothique », terme très à la mode en France lorsqu’on parle de cinéma fantastique mais trop à la mode. Il est employé par la présentatrice mais aucune définition du terme n’est fournie. Il désigne pourtant deux choses : la période historique médiévale d’une part (surtout en architecture), la littérature fantastique anglaise du dix-huitième siècle (Horace Walpole, Ann Radcliff, M.G. Lewis) d’autre part. L’esthétique fantastique servie dans plusieurs pages du roman de Doyle et servie durant le film de Fisher est pourtant non pas gothique (que ce soit au premier ou au second sens définis supra) mais victorienne et post-victorienne. Sur le plan de l’histoire de la littérature fantastique anglaise, à laquelle appartient autant le roman de Conan Doyle qu’il appartient à celle de la littérature policière, même remarque : les romans policiers et les quelques contes fantastiques purs de Conan Doyle ressortent de l’époque victorienne et post-victorienne : ils n’ont rien à voir avec la période médiévale architecturale ni avec le dix-huitième siècle littéraire.

Autre aspect qu’il faudrait préciser et nuancer : Conan Doyle, d’autre part, a certes cru au surnaturel et voulu l’étudier expérimentalement, ainsi que le rappelle justement sa biographe. En revanche, il a publié des contes fantastiques d’épouvante (tels que La hachette d’argent), constituant par eux-mêmes de purs jeux esthétiques avec la peur et ne nécessitant pas une croyance formelle au surnaturel. Il est vrai que Roger Caillois avait refusé d’intégrer Conan Doyle dans l’édition originale 1958 de son Anthologie du fantastique en raison d’autres textes où cette croyance transparaissait trop à son goût. Il y a donc une sorte d’ambivalence de Conan Doyle relativement à la littérature fantastique : fut-elle constante ou dépendait-elle de la période à laquelle il publia ? Seule une attentive étude chronologique de sa bibliographie pourrait l’établir. Une telle recherche aurait sans doute beaucoup intéressé Roger Caillois. Elle mériterait d’être menée un jour.

Bref, et pour résumer les réflexions que m’ont inspirées cette intéressante présentation, il y aurait donc trois plutôt que deux Conan Doyle : le premier est l’étudiant en médecine positiviste dont la génération est éduquée par Claude Bernard, Auguste Comte, John Stuart Mill et Herbert Spencer ; le second est l’écrivain réaliste qui peut occasionnellement devenir un écrivain de contes fantastiques où il se révèle un esthète jouant d’une manière très concertée avec la thématique et l’esthétique de la peur ; le troisième est, durant la dernière partie de sa vie, un positiviste spiritualiste au sens où l’étaient Henri Bergson ou William James, étudiant expérimentalement le surnaturel et les phénomènes parapsychiques.

Terence Fisher non plus n’est pas un cinéaste « gothique » en dépit de la popularité actuelle de ce terme qu’il faudrait., encore une fois, strictement limiter au moyen-âge (ce qui constitue son sens initial sur le plan sémantique comme sémiologique) d’une part, au roman fantastique anglais du dix-huitième siècle (ce qui constitue son second sens sur le plan esthétique et historique) d’autre part. L’esthétique fantastique de Fisher est (à une exception filmographique près et qui ne relève pas de sa filmographie sélective fantastique pure) victorienne et post-victorienne. Je renvoie volontiers le lecteur intéressé par la critique sémantique du terme « gothique » appliqué à la Hammer Films en général, à mon article sur Les Sévices de Dracula (Twins of Evil, GB 1971) de John Hough, archivé en lien dans ma bibliographie d’histoire et d’esthétique du cinéma publiée sur Stalker-Dissection du cadavre de la littérature.

Interview de Sir Arthur Conan Doyle (durée 10 minute 37 sec., VOSTF, N&B, état argentique médiocre, mais piste son en état très correct) : sympathique et intéressant document de première main dans lequel l’écrivain âgé résument les deux aspects alors célèbres de son oeuvre : le personnage de Holmes et ses débuts littéraires d’une part, ses études expérimentales de parapsychologie d’autre part.

Sympathique édition spéciale à laquelle manque une galerie affiches et photos pour qu’on lui attribue la moyenne. Le cinéphile anglophone souhaitant davantage d’informations pourra consulter avec profit l’édition collector anglaise Arrow de 2015 qui comporte une quinzaine de suppléments, parmi lesquels un entretien avec Christopher Lee et de nombreux documents d’histoire du cinéma.

Image - 4,0 / 5

Beau transfert numérique Full HD 1080p AVC au format respecté 1.66 compatible 16/9 d’une copie argentique bien restaurée, à la splendide colorimétrie, rendant hommage à la photographie de Jack Asher, grand directeur photo qui collabore, de 1957 à 1963 à certains des plus grands classiques du cinéma fantastique produits par la Hammer Films. Ce titre de 1959 est même parfois considéré comme sa plus belle contribution au genre. Les anciens DVD PAL et NTSC édités par MGM étaient 1.66 respectés mais seulement compatibles 4/3 en raison d’une absurde politique technique heureusement devenue obsolète : la preuve par cette édition BQHL. En attendant une édition UHD, cette édition Full HD devient l’édition numérique intégrale de référence. Une vingtaine de minuscules poussières blanches éparses repérées durant le générique et les séquences d’ouverture situées au dix-septième siècle : le reste est impeccable.

Son - 5,0 / 5

Linear PCM 2.0 mono en VOSTF et VF d’époque : offre nécessaire et suffisante pour le cinéphile francophone. Aucun défaut technique à signaler : report soigné et bon équilibrage musique-effets sonores-dialogues, sur les deux pistes sons ici proposées. Magnifique partition musicale signée James Bernard dont c’est l’âge d’or et dont les compositions sont depuis 1955 synonymes sonores de la Hammer Films. Excellent doublage d’époque sur le plan dramaturgique. La VF d’époque comporte quelques modifications par rapport à la VO : dans la VO, par exemple, la fille séquestrée du domestique torturé par Hugo Baskerville entend son père hurler deux fois alors que la VF ne comporte qu’un seul hurlement. STF corrects et bien lisibles.

Configuration de test
  • Téléviseur 4K LG Oled C7T 65" Dolby Vision
  • Panasonic BD60
  • Ampli Sony
Note du disque
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Nico63
Le 4 septembre 2024
Je trouve que cette édition en bluray est de bonne qualité, l'image et bonne, il y a du grain naturel, la VF est bonne aussi, memê si comme d'habitude la VO est plus claire et a plus de présence.
Mais quel plaisir de voir Lee et Cushing ensemble. Cushing faisait un trés bon Holmes. Même si mon préfèré reste Brett.
Un bon film dans le style de la Hammer.
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jean-marc
Le 10 octobre 2003
La copie sur DVD a du être faite à partir d'une pellicule bien abîmée. On voit même des "recollage" de pellicule. La VF est bien nasillarde comme d’habitude pour les films assez ancien. Je me demande pourquoi d’ailleurs ce problème existe toujours sur des films anciens ? Peut être que les VF de l’époque étaient mal enregistrée. L’image à un grain assez important. On peut être un peu déçus du DVD, mais bon vu qu’on le trouve à 15 €, on n’a pas trop la sensation de s’être fait avoir. J’éviterai tout de même de prendre d’autres DVD de cette même fournée.

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