Une étrange affaire (1981) : le test complet du Blu-ray

Réalisé par Pierre Granier-Deferre
Avec Michel Piccoli, Gérard Lanvin et Nathalie Baye

Édité par Studiocanal

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Le 08/10/2024
Critique

Drame psychologique sur fond social, virant sournoisement au film fantastique.

Paris 1980 : Louis, jeune publicitaire d’un grand magasin, accueille avec intérêt sa reprise en main par Bertrand Malair, nouveau manager. Ce dernier le repère et lui confie bientôt la direction du service, en contrepartie d’une disponibilité totale. Louis est fasciné par Malair et ses compagnons (deux cadres supérieurs auxquels Louis est bientôt agrégé). À mesure que le temps passe, l’emprise de Malair s’affirme ; la personnalité de Louis disparaît, ses liens familiaux et amicaux sont rompus. Qui est vraiment Malair ?

Une étrange affaire(Fr. 1980) de Pierre Granier-Deferre est un des rares films français s’étant réellement approché du fantastique durant les années 1980-1990. Ce drame psychologique ambitieux, au casting savamment dosé, virant au fantastique sournois à plus d’une reprise, est peut-être son meilleur film avec le film noir policier qu’était La Horse (Fr. 1970). Son histoire (adaptée par Christopher Frank et Granier-Deferre d’un roman de Jean-Marc Roberts) repose sur une base économique et sociale réaliste aux détails soignés, à l’espace et au temps soigneusement circonscrits - rétrospectivement, on pourrait rapprocher son thème (mais pas son traitement) de celui de la comédie Riens du tout (Fr. 1992) de Cédric Klapish - ; mieux, son casting et son esthétique sont manifestement réalistes : cette sobre rigueur, cette modestie initiale permettent au personnage vampirique incarné par Michel Piccoli de développer son inquiétante puissance, son charme maléfique.

La Cinémathèque française ne s’était pas trompée lorsqu’elle avait programmé, il y a déjà bien des années, ce film de Granier-Deferre dans le cadre de l’histoire d’un cinéma mondial des vampires, entre des films signés par des cinéastes tels que Robert Siodmak et Fernando Mendez, Terence Fisher et Freddie Francis. il y a, en effet, une latente et sournoise connivence entre la relation vampirique et la relation instaurée entre Malair, ses deux lieutenants et Louis. Elle entraîne non plus une perte physique de substance vitale mais une dépersonnalisation psychologique et sociale dont le terme est atteint chez les personnages joués par Kalfon et Balmer. Sur le plan sociologique, le management est présenté comme un acte vampirique, l’employé-modèle joué par Lanvin devenant l’esclave consentant d’une tyrannie d’autant plus redoutable qu’elle est, en apparence, séduisante alors que ses conséquences se développent inexorablement. Autre aspect intéressant : la subtile intrusion du rêve et du cauchemar dans l’univers réaliste des protagonistes : ll’atmosphère et le dialogue durant le dîner « Chez Max » en présence de l’énigmatique Salomé, la même mystérieuse et séduisante Salomé observant Louis endormi -presque comme une prédatrice observerait une proie - , le cauchemar de Louis avenue d’Eylau sont autant de séquences qui orientent ce réalisme vers un certain surréalisme.

Présentation - 3,5 / 5

1 Blu-ray BD-50 région B édité par Studiocanal le 18 septembre 2024. Durée film 102 minutes environ. Images couleurs Full HD 1080p AVC au format original 1.66 respecté et compatible 16/9. Son DTS-HD Master Audio 2.0 mono VF. Suppléments : Préface de Jérôme Wybon (4’52”) + Making of (Antenne2/INA, 1981, 18’33”) + « Bande originale » : Entretien avec Jean-Marc Roberts et Philippe Sarde (Studiocanal, 2003, 9’55”) + « Histoire d’un film » : Entretiens avec Pierre Granier-Deferre, Jean-Marc Roberts (Studiocanal, 2003, 39’41”) + Bande-annonce (1’47”). Suppléments riches, y compris un making of intégral inédit. Ensemble riche et soigné. Sur le plan matériel externe, ensemble assez neutre mais bref et bon texte de présentation de Jérôme Wybon (la dernière phrase est défigurée par une méchante coquille syntaxique : « Il ne devra sa sortie en salles et une partie de son succès [qu’] au prix Louis Delluc (…) ») : simple oubli. Le générique imprimé en touts petits caractères gris clair, sur l’étui et le boîtier, est difficile à lire.

Bonus - 4,0 / 5

Préface de Jérôme Wybon (durée 5’) : brève mais claire et fournissant des informations utiles sur la genèse du film, sa production, son tournage, sa réception commerciale et critique. Un bon point additionnel : la présence en illustrations de l’affiche originale et de quelques photos d’exploitation bien reproduites.

Making of (INA 1981, durée 19’ environ) : inédit en vidéo, sauf quelques images qu’on trouvait dans les anciens bonus du DVD. Comme d’habitude, on a la sensation de quitter la table d’un bon restaurant pour venir dans les cuisines examiner la manière dont on prépare les plats : la magie du cinéma disparaît instantanément mais le cinéphile et l’historien peuvent y prélever des éléments intéressants, à l’occasion (pas systématiquement, cela va sans dire). Notez que l’un des réalisateurs crédités est Alain Levent : s’agit-il du directeur photo des années 1960 qui avait signé la photo de certains films de José Benazeraf ou est-ce un homonyme ? Quelque chose me surprend : les dates vidéo incrustées sur certains plans de ce documentaire Antenne 2 (on ne disait pas encore France 2) - par exemple celui en intérieur dans l’église où Gérard Lanvin interroge discrètement Dominique Zardi concernant la présence de Malair - mentionnent « 1981 » alors que les entretiens de 2003 avec Granier-Deferre et Jean-Marc Roberts assurent que le tournage a eu lieu en 1980, de même que Jérôme Wybon dans sa présentation précise 1980 à plusieurs reprises, corroborés tous les trois par le copyright 1980 effectivement visible au générique d’ouverture de la copie positive elle-même. Pourquoi diable Antenne 2 avait-elle incrusté en vidéo ce curieux « 1981 » ? Peut-être, tout bonnement, par erreur. Enfin peu importe, le copyright du film lui-même est bien 1980.

Bande originale de la musique : Entretien avec Jean-Marc Roberts et Philippe Sarde (Studio Canal 2003, durée 10’) : étonnantes anecdotes sur l’histoire de la musique du film, y compris, quelques années plus tard, son vol par l’orchestre qui l’avait enregistré tant bien que mal, constaté par le compositeur.

Entretien avec P. Granier-Deferre, J.-M. Roberts (Studio Canal 2003, durée 40’) : remarquable bonus qui détaille avec une grande précision la genèse de la production (témoignage implacable de la relative nullité intellectuelle des producteurs français des années 1980 impliqués dans le cinéma grand public), l’écriture du scénario par Roberts, Frank, et Granier-Deferre, le casting (riches précisions mais une impasse regrettable sur la fascinante Salomé, au sujet de laquelle j’aurais voulu des précisions), la réception critique et commerciale. Remarquable mais surprenant dans la mesure où aucun des trois n’évoquent l’aspect vampirique, fantastique alors que la Cinémathèque française de Jean-François Rauger y avait été, à raison, sensible.

Bande-annonce originale (durée 1’47”) : au format large respecté, dotée d’une voix-off qui considère le thème du pouvoir comme le thème central du film dont chaque personnage incarnerait une facette.

L’ensemble constitue, sous les allures matérielles d’une simple édition spéciale, une authentique édition collector.

Image - 4,0 / 5

Format original 1.66 respecté, en Full HD 1080p AVC, en couleurs et compatible 16/9. Copie argentique bien restaurée en dépit de quelques petites imperfections (très rares brûlures ou poussières négatives) et master numérique soigné.

Son - 5,0 / 5

DTS-HD Master Audio 2.0 mono VF : offre nécessaire et suffisante pour le cinéphile francophone. Musique de Philippe Sarde inspiré par un tango argentin insolite, un peu envoûtant à la longue. Pas de défauts techniques relevés. Sous-titrage sourds et malentendants très soigné, respectant bien la place des locuteurs, variant les couleurs des STF selon les plans, STF constamment très lisibles, pas trop grands, pas trop petits non plus. Bon travail.

Configuration de test
  • Téléviseur 4K LG Oled C7T 65" Dolby Vision
  • Panasonic BD60
  • Ampli Sony
Note du disque
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francis moury
Le 9 octobre 2024
Drame psychologique sur fond social, virant sournoisement au film fantastique.

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