Pixote, la loi du plus faible (1981) : le test complet du Blu-ray

Pixote: A Lei do Mais Fraco

Réalisé par Héctor Babenco
Avec Fernando Ramos Da Silva, Jorge Julião et Gilberto Moura

Édité par Carlotta Films

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Le 09/10/2024
Critique

Drame social néo-réaliste inspiré de faits réels.

Pixote

Brésil, Sao Paulo et Rio de Janeiro, 1981 : Pixote, un jeune garçon d’une dizaine d’années, est incarcéré dans un centre pénitentiaire pour délinquants juvéniles dont il s’évade. Après un séjour à Rio de Janeiro, devenu chef de bande, il rachète une prostituée malade et droguée. Elle accepte puis dénonce un rapport qu’il voulait maternel. Un nouveau meurtre, engendré mécaniquement par les circonstances, pousse Pixote à fuir à nouveau Sao Paulo dans le dénuement physique et moral le plus total.

Pixote, la loi du plus faible(Pixote : a lei do mas fraco, Brésil 1981) de Hector Babenco est son troisième long-métrage qui avait été refusé par le Festival de Cannes mais avait obtenu le Grand Prix du Festival de Biarritz 1981, avant d’être distribué à Paris en mai 1982.

Le grand public découvrit alors l’effrayante réalité sociale du Brésil des pauvres et des innocents. Une réalité que certains voyageurs attentifs et certains journalistes pressentaient mais qui n’avait pas encore été montrée aux informations télévisées (elle le fut ensuite, à la faveur des faits-divers les plus sanglants et spectaculaires des années 1985). Ce film brésilien fut, mutatis mutandis , une répétition de l’effet qui avait été provoqué, presque trente ans auparavant, par la peinture des enfants mexicains des bidonvilles de Mexico dans Olvidados, Los (Pitié pour eux, Mex. 1950) de Luis Bunuel. Certains cinéphiles avaient, certes, déjà vu le plus récent mais assez confidentiel documentaire Gamin (Los Gaminos , Colombie-France 1977) de Ciro Duran, sélectionné à la Quinzaine des Réalisateurs du Festival de Cannes 1977, sorti à Paris le 2 mai 1979. Pixote débutait muni d’un prologue strictement documentaire mais sa puissance poétique produisit un alliage tout différent, parfois proche d’un certain surréalisme alors dans la pure lignée du cinéma de Luis Bunuel : la « séquence du sein » (en grande partie improvisée mais captée en plan-séquence et jugée valable au montage) fut ainsi célébrée comme telle.

Babenco avait tourné Pixote - le restant du titre fut petit à petit oublié au profit du simple prénom du petit anti-héros - à partir d’un scénario inspiré d’un livre de José Louzeiro sur la vie enfantine dans les banlieues de Sao Paulo, mégapole laminée par les inégalités sociales et par une délinquance à la violence sans retour. L’interprète principal Fernando Ramos da Silva joua quasiment son propre rôle, anticipant son destin au point qu’on ne fut pas surpris d’apprendre en 1987 sa mort sous les balles de la police qui, selon les versions de l’affaire, l’aurait abattu en légitime défense ou bien alors dans le cadre d’une exécution punitive. Il aurait été choisi en raison de son regard par le cinéaste, après plusieurs milliers d’auditions de divers candidats pour le rôle. Le recours à la fiction n’avait donc pas suffit à le sauver du réel. Ce fut aussi la révélation d’actrices latines intéressantes, notamment de Marilia Pera. Ajoutons que la publicité incluse dans l’ancien DVD sorti en 2007 par l’éditeur Carlotta relativement à La Cité de Dieu - cette belle série TV brésilienne consacrée non pas à une adaptation de l’oeuvre homonyme de saint Augustin mais à la vie quotidienne dans une « favela » - était exacte : Pixote en fut effectivement la matrice thématique, même si son esthétique était différente.

Notons enfin, sur le plan de l’histoire du cinéma, que le thème de l’enfance délinquante est récurrent dans l’histoire du cinéma d’Amérique latine de la seconde moitié du vingtième siècle, régulièrement illustré par des films puissants. Citons pour mémoire l’admirable Sicario (Vénézuéla 1994) de José Novoa, d’après des faits réels survenus en Colombie en 1990, autrefois télédiffusé chez nous mais devenu invisible et qu’il faudrait éditer en vidéo chez nous.

Pixote

Présentation - 1,5 / 5

1 Blu-ray BD-50 région B édité par Carlotta le 17 septembre 2024. Durée film 127 minutes environ. Images couleurs Full HD 1080p AVC au format original 1.85 respecté et compatible 16/9. Son DTS-HD Master Audio 1.0 mono VOSTF. Suppléments Blu-ray : présentation par Martin Scorsese + prologue + bande-annonce originale. Beau visuel jaquette reprenant celui de certaines affiches originales.

Bonus - 1,5 / 5

Présentation par Martin Scorsese (durée 3’30”) : brève mais fournissant quelques informations sérieuses, par exemple que l’enfant jouant le petit anti-héros devint certes célèbre mais ne put exploiter cette célébrité au cinéma car il était analphabète donc incapable de lire un scénario et d’apprendre des dialogues, Présentation iillustrée d’extraits du film.

Prologue : bref commentaire filmé liminaire qui instaure une distance immédiate entre la fiction et la réalité puisqu’on y voit l’acteur dans son milieu familial et social réel. L’ancienne édition DVD zone 2 PAL Carlotta de janvier 2007 l’avait maintenu au début du film (et en VOSTF au début de la piste VF d’époque) : elle est ici séparée, présentée en supplément.

Bande-annonce originale (format 1.85 Eastmancolor 16/9, durée 1’15”, VF d’époque) en état argentique assez bien conservé en dépit de quelques défauts passagers parfois médiocre mais au grain bien préservé, et intéressante car n’utilisant pas de dialogues (la mention VF s’applique uniquement à une voix-off française de quelques secondes à sa fin) mais uniquement le montage images et musique.

Edition spéciale très légère - les mêmes 3 petits bonus que sur l’édition américaine Criterion sortie en 2020 - nettement inférieure à l’ancienne édition française DVD Carlotta de 2007 qui comportait l’intéressant documentaire Pixote in memoriam (2006, format 1.85 compatible 4/3, couleurs + N&B, VOSTF, durée 77’30”) de Felipe Briso et Gilberto Topczewski réalisé à l’occasion du 25ème anniversaire du film. Le réalisateur Hector Babenco et sa productrice, Spike Lee, Nick Cave et quelques acteurs de Pixote (y compris sa petite amie) y racontaient de nombreuses anecdotes sur le tournage, son acteur principal, et la réception du film dans son pays d’origine et à l’étranger. Il rectifiait certaines méprises, par exemple l’idée fausse que les acteurs masculins du film auraient joué (plus ou moins) leur propre rôle. En fait, si le jeune Fernando qui joua Pixote était effectivement issu d’une favela (et finit par y mourir en dépit de sa célébrité momentanée), d’autres acteurs étaient étudiants. Ce documentaire était en outre muni de quelques photos de travail et de plateau, de quelques affiches et pavés-presse internationaux (mais aucune photo d’exploitation). Dommage qu’il n’ait pas été repris sur ce Blu-ray : sans doute une question de droits expirés qu’on n’a pas pu ou pas voulu renouveler.

Pixote

Image - 5,0 / 5

Le premier plan, texte sur fond noir fournissant les informations techniques sur la restauration (sous les auspices de Martin Scorsese et George Lucas et de l’Imagine Ritrovata, des techniciens brésiliens, n’appartient évidemment pas au métrage d’origine. Format original 1.85 respecté, en Full HD 1080p AVC, en couleurs et compatible 16/9. Copie argentique restaurée par immersion du négatif, scan 4K (ici transféré non pas en UHD mais en Full HD) et, pour quelques plans absents, un internégatif. Étalonnage des couleurs effectué par comparaison avec une copie positive 35mm d’époque. Remarquable travail qui restitue très bien la profondeur des noirs et la colorimétrie vive d’origine : le grain argentique est relativement préservé mais le lissage l’emporte. Direction de la photographie de Rodolfo Sanchez bien reproduite : contrastes, définition, netteté des contours sont soignés. Dorénavant l’édition de référence.

Son - 5,0 / 5

DTS-HD Master Audio 1.0 mono VOSTF + VF d’époque : offre nécessaire et suffisante pour le cinéphile francophone. Pas de défauts techniques relevés : bonne restauration de la VOSTF qui restituerait l’équilibrage du mixage d’époque à l’identique, grâce aux conseils de techniciens brésiliens qui avaient travaillé sur le film. La VF d’époque est honnête mais sans plus. Le niveau d’enregistrement des voix est plus élevé sur la VF d’époque que sur la VOSTF mais c’est cette dernière qu’il faut néanmoins privilégier, si on veut percevoir les nuances psychologiques et sociologiques des personnages.

Crédits images : © Embrafilme, HB Filmes

Configuration de test
  • Téléviseur 4K LG Oled C7T 65" Dolby Vision
  • Panasonic BD60
  • Ampli Sony
Note du disque
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francis moury
Le 10 octobre 2024
Drame social néo-réaliste brésilien virant à plusieurs reprises au film noir policier, l'ensemble étant discrètement influencé par le surréalisme de Luis Bunuel.

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