Cent jours à Palerme (1984) : le test complet du Blu-ray

Cento giorni a Palermo

Combo Blu-ray + DVD

Réalisé par Giuseppe Ferrara
Avec Lino Ventura, Giuliana De Sio et Lino Troisi

Édité par Rimini Editions

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Le 09/10/2024
Critique

Film noir policier reconstituant un fait réel, à la réalisation alliant rigueur documentaire, tension étouffante, violence graphique.

Cent jours à Palerme

Italie continentale, Rome et Sicile italienne, Palerme, de 1979 à 1982. Des juges, des procureurs, des commissaires de polices sont méthodiquement assassinés, en parallèle à une sanglante guerre des gangs. Le 6 avril 1982, la haute administration romaine nomme le général Carlo Alberto dalla Chiesa au poste de préfet de police de Palerme. Sourd aux mises en garde, il lance une enquête financière qui atteint les hautes sphères de l’organisation : son assassinat est alors décidé.

Cent jours à Palerme(Cento giorni a Palermo, Ital.-Fr. 1982) de Giuseppe Ferrara s’inscrit dans la lignée des grands films noirs policiers à visée documentaire qui ont jalonné l’histoire du cinéma italien depuis Salvatore Giuliano (Ital. 1962) de Francesco Rosi. Il n’a certes pas la beauté plastique ni l’ampleur inspirée et mystérieuse du film de Rosi mais il en retrouve parfois la rigueur et la tension. La violence graphique de certaines séquences est mise en scène d’une manière brutalement spectaculaire grâce à un montage alors remarquablement nerveux. Inutile de préciser que Cent jours à Palerme hérite alors de l’expérience acquise par dix années de poliziotti (films noirs policiers) signés par des cinéastes tels que Umberto Lenzi, Fernando Di Leo, Enzo G. Castellari, Carlo Lizzani, Domenico Paolella, Damiano Damiani et d’autres encore. La mise en scène de Giuseppe Ferrara se veut plus mesurée, plus sobre, plus sage que la leur mais sa matière l’entraîne, à l’occasion et inévitablement, à en retrouver les prestiges esthétiques (par exemple certains plans nocturnes des rues de Palerme dans la séquence finale pré-générique de fin). Sur le plan de la direction artistique, intéressant choix d’armes légères : parmi les armes d’épaule on relève l’inévitable présence de quelques fusils de chasse à canon lisse et raccourci (coach gun » en américain, « lupara en argot sicilien), d’un pistolet-mitrailleur anglais Sten, de plusieurs pistolets-mitrailleurs américains Thompson,de pistolets-mitrailleurs réglementaires italiens Beretta M12 (en dotation pour les carabiniers de la police), de carabines américaines USM1 (en dotation pour les soldats de l’unité militaire à laquelle dalla Chiesa fait ses adieux), de fusils d’assaut soviétiques AK47 et AKM ; parmi les armes de poing, des pistolets semi-automatiques (dont un probable Beretta M1951) et au moins un revolver à canon de 6 pouces.

Le film de Ferrara est un peu le chant du cygne (*).de l’âge d’or cinématographique 1970-1980 du genre. Quelques séquences à visée militante ou pseudo-pédagogique (le discours du député communiste avant son assassinat, les discussions aux relents vaguement marxistes de dalla Chiesa avec les ouvriers et les étudiants) alourdissent l’ensemble, par ailleurs intelligent et raffiné dans son montage comme dans sa mise en scène. Ses meilleurs moments (les mises en garde et les signes disséminés autour du héros, les discussions au sein de l’Organisation mises en parallèles avec celles de dalla Chiesa avec ses autorités de tutelle, l’assassinat final) ne sont pas indignes d’un Francesco Rosi. Excellente interprétation, homogène et d’abord portée par celle, véritablement habitée, de l’acteur Lino Ventura qui avait, dix ans plus tôt, non moins remarquablement incarné un représentant du camps opposé, à savoir Don Vito Genovese dans Cosa nostra ( Ital.-Fr. 1972) de Terence Young qui s’inscrivait dans une même visée documentaire d’après des faits non moins réels.

Cent jours à Palerme

(*) PS : à partir des années 1980, la production cinéma des films noirs policiers italiens diminue considérablement mais on peut encore citer quelques rares réussites, telles que L’Escorte (Ital. 1993) de Ricky Tognazzi et Gomorra (Ital. 2008) de Matteo Garrone sans oublier le téléfilm soigné Le Dernier Parrain (Ital. 2008, en deux parties) de Marco Risi. D’amples séries TV italiennes prennent le relais : leur ancêtre demeure La Mafia (La Piovra, Ital. 1984-2001) dont certains épisodes furent signés par Damiano Damiani. Parmi celles produites de 2000 à nos jours, je signale au moins l’intégrale des saisons de la série TV La Mafia (Ital. 2008) de Enzo Monteleone que Philippe Gautreau avait eu raison de m’engager à découvrir : certains épisodes en sont remarquables. Ce chant du cygne cinéma et cette renaissance TV voient naturellement apparaître de nouvelles générations de cinéastes, y compris certains dont les noms de famille ne sont pas inconnus des cinéphiles : Ricky Tognazzi, Marco Risi, Claudio Corbucci, Stefano Sollima, Matteo Garrone.

Cent jours à Palerme

Présentation - 2,5 / 5

1 Blu-ray BD-50 région B + 1 DVD9 édités par Rimini le 17 septembre 2024. Durée film 98 minutes environ (VF) + 102 minutes 18 secondes (VOSTF inédite, image SD). Images couleurs Full HD 1080p AVC au format original 1.85 respecté et compatible 16/9. Son DTS-HD Master Audio 1.0 mono VF d’époque + VOSTF inédite. Suppléments Blu-ray : version italienne inédite (image SD, durée 102’18”, VOSTF) + Entretien avec Lino Ventura (durée 30’ environ) + Entretien avec Clélia Ventura (durée 9’). Suppléments DVD : entretiens avec Lino Ventura et Clélia Ventura. Belle illustration de jaquette et de sérigraphie.

Bonus - 3,0 / 5

Version italienne inédite (image SD, format 1.85 respecté compatible 16/9, durée 102’18”, VOSTF) : document rare, pas inintéressant mais qui demeure finalement inférieur à la version française. Son début, en dépit de l’usage du split-screen qui aurait pu annoncer une tentative stylistique recherchée, est affublé d’une voix off (masculine) lassante dont la lourde pédagogie mine le rythme. Sa fin ajoute des plans d’ensemble de Palerme, commentés par une autre voix off (féminine) qui semble être celle d’un témoin authentique dont l’émotion est palpable et qui évoque les choeurs antiques de la tragédie grecque. Reste que je lui préfère la fin du montage français, davantage rigoureuse, sobre, génératrice d’angoisse. Une bonne idée plastique durant quelques minutes vers le milieu du film : symboliser la vacance du pouvoir (celui de l’État et de l’administration, pas celui de l’Organisation) par la représentation de bureaux et de salles de réunions désertés et silencieux. Sur le plan technique, définition bien inférieure à celle du montage français, dynamique sonore elle aussi inférieure, doublage italien de Lino Ventura (absurde étant donné que l’acteur avait joué en italien avec sa véritable voix) sans saveur dramaturgique par comparaison à la VF où il se double évidemment lui-même. Le cinéphile et l’historien du cinéma peuvent y jeter un oeil car le document était inédit chez nous mais le spectateur lambda peut s’en passer.

Cent jours à Palerme

Entretien avec Lino Ventura (1985, TV suisse, durée 30’ environ) : il provient de l’émission suisse « Spécial cinéma » du 11 février 1985. Tout au début, l’acteur admet qu’il ne s’est pas entendu avec le réalisateur mais refuse de s’étendre davantage : ensuite, on ne revient plus sur ce film italo-français de 1984. Le reste est inégal mais l’historien du cinéma et le cinéphile relèveront la réaction de Lino Ventura à un fragment d’article consacré à Jean Gabin : Ventura, témoin de première main, s’inscrit en faux contre une affirmation selon laquelle Gabin aurait exigé des gros plans durant les tournages.

Entretien avec Clélia Ventura (2012, TF1, durée 9’) : trois fois moins long que l’entretien précédent mais trois fois plus informatif car la fille de Lino Ventura précise plusieurs points intéressants : les deux raisons pour lesquelles Ventura gardait un mauvais souvenir du tournage, son intérêt pour le personnage de dalla Chiesa, la manière dont il se préparait quotidiennement à d’éventuels problèmes de sécurité durant le tournage, son expérience (antérieure d’une dizaine d’années) avec le cinéaste Francesco Rosi.

Edition spéciale contenant un document d’histoire du cinéma qui intéressera le cinéphile : une version italienne du film, visible pour la première fois chez nous. Des deux autres entretiens, c’est celui avec la fille de l’acteur qui est le plus riche en informations. J’aurais souhaité une galerie affiches et photos.

Cent jours à Palerme

Image - 4,0 / 5

Format original 1.85 respecté, en Full HD 1080p AVC, en couleurs et compatible 16/9 pour la VF d’époque, en SD compatible 16/9 pour la VOSTF italienne inédite offerte en bonus et à la définition évidemment très inférieure. Copie argentique de la VF parfaitement restaurée et master numérique soigné : le grain argentique est un peu moins bien préservé que celui de l’ancienne édition LCJ (qui était au format respecté 1.85 malheureusement compatible 4/3) mais, en revanche, le nettoyage de la copie argentique, la compatibilité 16/9 et la haute définition de cette édition Rimini font toute la différence.

Cent jours à Palerme

Son - 4,0 / 5

DTS-HD Master Audio 2.0 mono VOSTF inédite + VF d’époque : offre nécessaire et suffisante pour le cinéphile francophone. On peut oublier la VO dont la dynamique est médiocre et qui double Lino Ventura alors que ce dernier parlait évidemment italien dedans. En revanche et heureusement, il se double lui-même dans la VF, par ailleurs dramaturgiquement bonne pour les autres rôles et en bon état technique.

Crédits images : © Filmsonor S.A., Intermondial, Vides Cinematografica

Configuration de test
  • Téléviseur 4K LG Oled C7T 65" Dolby Vision
  • Panasonic BD60
  • Ampli Sony