Nevada Smith (1966) : le test complet du Blu-ray

Édition Collection Silver Blu-ray + DVD

Réalisé par Henry Hathaway
Avec Steve McQueen (I), Karl Malden et Brian Keith

Édité par Sidonis Calysta

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Le 09/10/2024
Critique

Western ample, plastiquement somptueux et au casting remarquable, réalisé par un artisan au sommet de son art.

USA, vers 1890. Trois bandits massacrent les parents de Max Sand, un jeune Indien métis, afin de voler leur mine d’or. Max jure de les tuer : sa quête de vengeance l’entraîne à travers plusieurs États d’une Amérique brutale et sauvage. Quelques rencontres salvatrices (un sympathique marchand de revolvers, une douce Indienne Kiowa, une belle femme Cajun dans un bagne marécageux de la Nouvelle-Orléans, un prêtre catholique dont les parents furent massacrés mais qui a renoncé à la vengeance) modifient progressivement sa vision du monde. Une ultime épreuve l’attend : la rencontre avec le troisième tueur, le plus intelligent et le plus redoutable du gang, auquel il se présente (par prudence car sa réputation est à présent établie) sous le pseudonyme de Nevada Smith.

Nevada Smith(GB 1965) de Henry Hathaway est peut-être, avec La Fureur des hommes (From Hell to Texas, USA 1958), son western le plus virulent et le plus adulte. En apparence, il s’agit d’un sujet classique filmé comme un grand spectacle : sa durée est bien supérieure à celle d’un western de série A ; il est magnifié par des paysages plus variés et impressionnants les uns que les autres. En réalité, le film s’avère particulièrement brutal et la peinture très âpre : sa virulence est même supérieure à celle des westerns italiens de la même époque, avec lesquels il rivalise aisément en violence graphique. Le thème est celui de l’oscillation (ici une lutte à mort) entre civilisation et barbarie sur le plan social comme sur le plan individuel : l’itinéraire moral du héros est angoissant car soigneusement dosé afin qu’il demeure erratique, ambivalent, le plus longtemps possible. Les trois personnages féminins qui croisent sa route sont trois prostituées dont l’une (la jolie brune des marécages, celle incarnée par Suzanne Pleshette) est en outre presque une esclave : on n’oublie pas la visite nocturne, silencieuse, qu’elle et ses compagnes rendent aux forçats : c’est une des séquences les plus stupéfiantes du western américain. Il y a une dimension littéraire de roman d’apprentissage (à la manière de ceux du dix-huitième siècle) dans les rencontres successives qui modifient la vision du monde de Max : chacun l’éduque d’une certaine manière et lui fait comprendre la vanité de son obsession, le danger de devenir aussi cruel que les bourreaux qu’il traque. La grande intelligence du scénario est de maintenir jusqu’au dernier moment la tension relative au renoncement éthique. Steve McQueen n’a pratiquement pas besoin de jouer car son physique symbolise parfaitement cette ambivalence : un regard bleu adulte, implacable, dur et froid supporté par un visage et un corps jeunes, immatures. Hathaway le dirige d’une manière qui met constamment en opposition ces deux aspects. Sa mise en scène maintient ainsi, charnellement autant que dialectiquement, une tension interne au personnage, surajoutée à la tension externe, objective de l’intrigue. C’est dire que le casting était avisé : ceux qui critiquaient le film dans les journaux à sa sortie en 1966 et qui le critiquent encore aujourd’hui (les jeunes cinéphiles woke américains) à cause du choix de McQueen - sous prétexte que son physique n’est pas celui d’un Indien natif - apportent simplement la preuve qu’ils n’ont pas compris ni la mise en scène d’Hathaway ni le sens du scénario. Hathaway n’a pas de message et n’est pas un auteur : en artisan émérite, il pousse simplement, en grande partie grâce au casting, la mise en scène de son sujet au bout de la logique de son scénario. Lorsqu’il était venu à la Cinémathèque française du Palais de Chaillot, les organisateurs n’avaient pas laissé le public lui poser de questions. On l’avait regretté mais, au fond, à tort car Hathaway fait précisément partie de ces cinéastes dont les meilleurs films (mais seulement ceux-là) parlent d’eux-mêmes.

Présentation - 2,5 / 5

1 Blu-ray BD-50 région B + 1 DVD9 zone 2 PAL édités par Sidonis le 12 septembre 2024. Durée film 130 minutes environ. Images couleurs Full HD 1080p AVC au format original 2.35 respecté et compatible 16/9. Son DTS-HD Master Audio 2.0 mono VF d’époque + VOSTF. Suppléments : présentations de Jean-François Giré et Olivier Père. Il existe une édition Blu-ray qui serait dotée d’un livret mais la rédaction ne l’a pas reçue : on se contente donc ici de chroniquer ce DVD.

Bonus - 2,5 / 5

Présentation par Jean-François Giré (durée 22 minutes environ) : elle restitue le point de vue du spectateur de cinéma qui avait découvert le film au cinéma durant la saison cinématographique 1965-1966 et qui y revient comme cinéphile amoureux du genre et critique en 2024. De bonnes remarques mais une assez grande partie de cette présentation paraphrase le scénario, autrement raconte le film. Quelques extraits de ce dernier en illustration principale.

Présentation par Olivier Père (durée 27 minutes environ) : informations historiques solides et variées sur le producteur Joseph E. Levine, l’acteur Steve McQueen, le réalisateur Henry Hathaway, le directeur de la photographie Lucien Ballard, le roman dont est tiré le scénario et son rapport avec le roman d’Harold Robbins dont était tiré Les Ambitieux (The Carpetbaggers, USA 1964) d’Edward Dmytryk dont le film de Hathaway constituerait une sorte de « préquelle » partielle, relativement à un des personnages. Belles affiches bien reproduites en illustration.

Dans les deux cas, ne pas visionner ces « présentations » avant le film de référence car elles en révèlent de larges extraits et même, dans le cas de celle de Père, la fin.

Image - 5,0 / 5

Beau transfert numérique Full HD 1080p AVC au format respecté 2.35 compatible 16/9 d’une copie argentique en couleurs et bien restaurée, dotée d’une belle photo de Lucien Ballard.

Son - 4,0 / 5

DTS-HD Master Audio 2.0 mono en VOSTF et VF d’époque : offre nécessaire et suffisante pour le cinéphile francophone. Aucun défaut technique à signaler : report soigné et bon équilibrage musique-effets sonores-dialogues, sur les deux pistes sons ici proposées même si la VF est moins bien équilibrée et moins bien conservée. Belle partition musicale signée Alfred Newman. Excellente VF d’époque sur le plan dramaturgique. STF corrects et bien lisibles sur la VO.

Configuration de test
  • Téléviseur 4K LG Oled C7T 65" Dolby Vision
  • Panasonic BD60
  • Ampli Sony