Réalisé par Alexandre Volkoff
Avec
Ivan Mozzhukhin, Suzanne Bianchetti et Diana Karenne
Édité par Lobster Films
Giacomo Casanova, élevé par sa grand-mère Marzia, fait à huit ans la connaissance de sa mère Zanetta quand celle-ci, une actrice volage partie à Londres, revient à Venise. Il est envoyé en pension à Padoue où un prêtre, don Gozzi, détecte son intelligence, parfait son éducation et lui conseille une carrière ecclésiastique pour s’élever socialement. Ordonné abbé, il retourne à Venise et devient le bibliothécaire et le protégé du marquis Alvise II Malipiero, sénateur de la turbulente République. Son charisme attire vite l’attention de la haute société…
Casanova, un adolescent à Venise (Infanzia, vocazione e prime esperienze di Giacomo Casanova, veneziano), sorti en 1969, est le vingt-quatrième de la quarantaine de longs métrages réalisés par Luigi Comencini (1916-2007), également auteur ou coauteur des scénarios de ses films. Le thème de l’enfance ou de l’adolescence, récurrent dans son cinéma, lui inspira, dès début de sa carrière de réalisateur, De nouveaux hommes sont nés (Proibito rubare) en 1948, Heidi en 1952, puis Tu es mon fils en 1957 (La Finestra sul Luna Park), Les Aventures de Pinocchio en 1972 (Le Avventure di Pinocchio), et, outre Casanova, un adolescent à Venise, deux autres chefs-d’oeuvre : L’Incompris en 1967 (Incompreso - Vita col figlio) et Eugenio en 1981 (Voltati Eugenio).
Le scénario de Casanova, un adolescent à Venise a été coécrit par le réalisateur et Suso Cecchi D’Amico, reconnu comme un des grands scénaristes italiens pour sa contribution à des films comme Le Voleur de bicyclette (Ladri di biciclette, Vittorio De Sica, 1948), Salvatore Giuliano (Francesco Rosi, 1962) et à plusieurs films majeurs de Luchino Visconti : Rocco et ses frères (Rocco e i suoi fratelli, 1960), Le Guépard (Il Gattopardo, 1963), Ludwig ou Le Crépuscule des dieux (Ludwig, 1973), Violence et passion (Gruppo di famiglia in un interno, 1974), L’Innocent (L’innocente, 1976).
Casanova, un adolescent à Venise est fidèle aux cinq premiers chapitres des mémoires de Casanova (1725-1798), une importante somme en 14 volumes in-12 écrite en français qui ne sera intégralement éditée qu’en 1822, en France, sous le titre Mémoires du Vénitien J. Casanova de Seingalt, extraits de ses manuscrits originaux publiés en Allemagne par G. de Schütz. L’édition de référence, l’intégrale Brockhaus-Plon, ne sera publiée que de 1960 à 1962 et rééditée par Gallimard, avec des notes, en trois tomes de la collection La Pléiade, sortis de 2013 à 2015.
Luigi Comencini, ex-journaliste, resté attaché à la vérité, propose une représentation authentique des personnages et de Venise au milieu du XVIIIe siècle, un souci dont s’affranchira Federico Fellini quand il réalisera, quelques années plus tard, Le Casanova de Fellini (Il Casanova di Federico Fellini, 1976).
L’horrible vice du sexe, le seul capable d’anéantir les forces de l’esprit
Le film n’insiste pas sur les ébats sexuels de Casanova, à juste titre. Si l’histoire a établi qu’il s’est vite dispensé d’observer la mise en garde de son précepteur, don Gozzi, l’image du personnage ne peut pas être réduite à celle d’un libertin. Auteur d’une oeuvre littéraire majeure du XVIIIe siècle, sa vie aventureuse le conduisit en prison, l’amena à rencontrer les hommes influents de plusieurs pays d’Europe, à devenir secrétaire de l’ambassadeur à Venise du roi de France Louis XV auquel il donna l’idée de la Loterie nationale pour regarnir les caisses du royaume…
Casanova, un adolescent à Venise tire grand profit de la photographie d’Aiace Parolin (Séduite et abandonnée / Sedotta e abbandonata, Pietro Germi, 1964), avec de magnifiques plans nocturnes en lumière naturelle sur les canaux ou dans les jardins du couvent, de la beauté des décors et des costumes de Piero Gherardi, deux fois récompensé par l’Oscar des meilleurs costumes, en 1962 pour La Dolce vita, en 1964 pour 8 1/2, du montage de Nino Baragli (Ginger et Fred, 1986, Intervista, 1988). Casanova est bien interprété, dans un registre sobre, par l’Anglais Leonard Whiting qui venait de s’être fait remarquer, la même année, dans le Roméo & Juliette (Romeo and Juliet) de Franco Zeffirelli.
Giacomo Casanova a, outre Federico Fellini et Luigi Comencini, plutôt bien inspiré cinéastes et téléastes. On retiendra surtout Casanova (Alexandre Volkoff, 1927), Casanova ‘70 (Mario Monicelli, 1965), Casanova (Lasse Hallström, 2005), ainsi que deux miniséries, Le Jeune Casanova (Il Giovane Casanova, Giacomo Battiato, 2002) et l’excellente Casanova, créée en 2005 par Russell T. Davies, avec David Tennant et Rose Byrne.
Casanova, un adolescent à Venise (123 minutes) et ses suppléments (35 minutes) tiennent sur un Blu-ray BD-50 et un DVD-9, logés dans un Digipack à deux volets.
Le film est proposé dans sa langue originale, l’italien, avec sous-titres optionnels, et dans un doublage en français, les deux au format audio Dolby Digital 2.0 mono.
Dans la couverture du Digipack, un livret de 16 pages avec des extraits des premiers chapitres d’Histoire de ma vie souligne la fidélité du film aux mémoires de Giacomo Casanova.
Ode à la liberté, des mémoires au film dans la Venise du XVIIIe siècle (Les Productions du désordre, 2024, 32’). Pierre Eisenreich (Positif) indique que le scénario, s’il est assez fidèle aux Mémoires, leur ajoute une dimension politique. En montrant l’enfermement d’Angela dans un couvent et l’exécution de l’exorciste don Mancia, il dénonce le pouvoir répressif de l’église. Comencini, soucieux d’authenticité, a veillé à refléter les usages et les mentalités de l’époque avec l’insertion de petites scènes de la vie quotidienne, le choix des costumes, la description très documentée d’une trépanation… L’adaptation reste dans l’esprit de Casanova qui fréquenta des milieux divers dans toute l’Europe et mit sur un pied d’égalité le plaisir masculin et le plaisir féminin. Pierre Eisenreich souligne le « travail d’orfèvre » du monteur Nino Baragli.
Bande-annonce de cinq films de Luigi Comencini partiellement édités par Tamasa (1’29”). Casanova, un adolescent à Venise, Belle de Rome (La Bella di Roma, 1955), Mariti in città (Maris en liberté) (1957), À cheval sur le tigre (A cavallo della tigre, 1961) et La Traite des blanches (1952).
L’image, au ratio d’origine de 1.85:1, réencodée au standard 1080p, AVC, d’une impeccable propreté, stable, déploie des couleurs naturelles, justement ravivées. Bien contrastée, entre des blancs lumineux et des noirs denses, elle assure une parfaite lisibilité des scènes de nuit. Une fine résolution a été obtenue avec la préservation du grain du 35 mm.
Bien qu’on regrette que le son mono d’origine ne soit proposé qu’au format standard Dolby Digital 2.0 mono, force est de reconnaître l’absence de tout bruit parasite lié à l’âge de la pellicule et même de souffle. Dynamique et ouverture de la bande passante restituent clairement les dialogues et l’ambiance et, sans saturations, l’accompagnement musical.
Ce constat s’applique au doublage en français qui, comme trop souvent, place les dialogues trop en avant.
Crédits images : © Mega Film, Panta Cinematografica