Réalisé par Costa-Gavras
Avec
Jessica Lange, Armin Mueller-Stahl et Frederic Forrest
Édité par Studiocanal
Chicago (USA) et Budapest (Hongrie) en 1989. La justice intente un procès à Mike Laszlo, pour crimes antisémites de guerre commis à Budapest durant la Seconde guerre mondiale. Ce père de famille, ancien gendarme hongrois réfugié quarante ans plus tôt aux USA, risque la déchéance de sa nationalité américaine et l’extradition. Sa fille Ann, avocate réputée, décide d’assurer elle-même la défense de son père. Le procès devient une affaire publique divisant l’opinion. Les atrocités dont témoignent à la barre les survivants hongrois et certains indices concordants font alors naître un terrible doute dans l’esprit de Ann.
Music Box (USA 1989) de Costa-Gavras pourrait être considéré, dans sa filmographie américaine, comme le troisième volet d’un triptyque semi-documentaire qui comprendrait comme premier volet Porté disparu (Missing, USA 1982) inspiré par la disparition du fils de Ed Horman lors du coup d’état militaire chilien et comme second volet La Main droite du diable (Betrayed, USA 1988) inspiré par l’assassinat de l’animateur radio Alan Berg à Denver, par la milice The Order. Leur structure est, en effet, commune : une enquête dont la portée est à la fois subjective (familiale ou amoureuse) et objective (policière et politique à la fois). Cette double dimension narrative culmine de facto dans ce troisième volet de 1989. Le scénariste Joe Ezsterhas lui conféra une authenticité sociologique et historique car il était lui aussi réfugié hongrois aux USA et son propre père, l’écrivain et éditeur Itsvan Ezsterhas, avait été mis en cause, peu de temps après la production du film, par la justice américaine pour sa collaboration au gouvernement hongrois pro-nazi durant la Seconde guerre mondiale (voir notamment les articles du New York Times du 18 mars 2004 et du 30 mars 2004).
Sur le plan de l’histoire du cinéma, Music Box entretient des liens thématiques assez évidents avec Le Criminel (USA 1946) d’Orson Welles. L’avocate jouée par Jessica Lange prolonge d’une certaine manière le personnage qu’incarnait Loretta Young chez Welles. Son degré de savoir a beau être d’emblée supérieur au degré zéro initial de conscience et de savoir du personnage autrefois joué par Loretta Young, l’histoire se répète néanmoins : l’amour (pour un époux en 1946, pour un père en 1989) empêche les deux héroïnes d’accepter dans un premier temps la vérité ou même la simple supposition d’une culpabilité. Savoir à quel moment elles cesseront d’être aveugles (et par quelle révélation ou par quel moyen au sens juridique du terme) constitue fondamentalement l’un des grands aspects du suspense du film de Welles en 1946 comme de celui de Costa-Gavras en 1989.
La mise en scène et le scénario de Music Box répartissent, à divers moments-clés de l’histoire, les signes témoins de ce passé qu’il faut, à partir d’eux, recomposer jusqu’à ce que l’héroïne reconnaisse clairement et distinctement leur signification. Le spectateur a donc (selon la théorie classique du suspense élaborée par le cinéaste Alfred Hitchcock) un temps d’avance sur l’héroïne jusqu’au moment où le récit les met tous deux, par une ultime révélation, sur un tragique pied d’égalité. Écriture concertée, direction d’acteurs remarquables, sens de la progression dramatique, soin accordé aux détails (y compris graphiques concernant les photographie N&B des années 1940), direction photo ample et fluide, montage sophistiqué : du grand art et l’un des meilleurs films signés par le cinéaste, à qui on doit également l’invention du titre finalement retenu pour l’exploitation américaine et française.
1 Blu-ray BD50 région B édité par Studio Canal, le 01 septembre 2023. Image couleurs au format 2.35 compatible 16/9. Son DTS-HD Master Audio VOSTF et VF d’époque en 2.0 mono. Durée cinéma film : 126 min. environ. Suppléments : aucun. A présent que les disques Blu-ray UHD sont universels car nativement multirégions, il conviendrait que les simples disques Blu-rays Full HD le fussent aussi (et que les DVD fussent aussi toutes zone) : il semble dorénavant anachronique d’attribuer une région et / ou une zone limitant les possibilités de lecture géographique d’un disque. Illustration de jaquette reprenant le visuel des affiches d’époque.
Aucun bonus.
Format original 2.35 compatible 16/9, en couleurs, reporté en Full HD 1080p AVC. Copie argentique impeccable. Transfert Full HD impeccable aussi : alors que Arte éditait une partie des films de Costa-Gavras en 1080i, Studio Canal investit intelligemment sur du 1080p doté d’une qualité numérique supérieure. La direction photo signée Patrick Blossier est parfaitement restituée. Il avait également photographié La Main droite du diable l’année précédente.
Son DTS-HD Master Audio VOSTF + VF 2.0 mono : offre nécessaire et suffisante pour le cinéphile francophone. Il faut privilégier la VOSTF, ne serait-ce que pour le travail de diction de l’acteur Armin Mueller-Stahl.
Crédits images : © Carolco Pictures