Réalisé par René Clair
Avec
Annabella, René Lefèvre et Jean-Louis Allibert
Édité par Tamasa Diffusion
Alors que ses créanciers pressent Michel, un jeune artiste peintre, de régler ses dettes, tout s’arrange : il apprend qu’il a gagné le gros lot d’un million à la loterie. Mais le billet gagnant a été glissé dans la poche d’un vieux veston dont sa petite amie Béatrice vient de se débarrasser. Il est tombé entre les mains du Père la Tulipe, un receleur qui l’a vendu à Sopranelli, un ténor prêt à s’embarquer pour aller chanter à New York…
Le Million, sorti en 1931, le deuxième film parlant de René Clair après Sous les toits de Paris, sorti en 1930, est l’adaptation d’une comédie de Georges Berr et Marcel Guillemaud montée en 1913. Il tournera ensuite Le Dernier milliardaire avant de partir pour les USA où il réalisera, en une dizaine d’années, sept appréciables longs métrages, parmi lesquels Fantôme à vendre (The Ghost Goes West, 1935), Ma femme est une sorcière (I Married a Witch, 1942), C’est arrivé demain (It Happened Tomorrow, 1944) et Dix petits indiens (And Then There Were None, 1945).
Le Million, un hommage à Mack Sennet et Charles Chaplin, renouvelle la slapstick comedy et ses courses-poursuites, qu’il associe à la comédie musicale avec des commentaires de l’action chantés par les acteurs sur des mélodies de Georges Van Parys, Armand Bernard et Philippe Parès. En tournant aussi l’opéra en dérision, il pourrait avoir inspiré Une Nuit à l’opéra (A Night at the Opera) que les Marx Brothers tourneront quatre ans plus tard.
Le Million nous replonge dans l’ambiance poétique de Sous les toits de Paris créée par la photographie de Georges Périnal et les décors de Lazare Meerson avec l’assistance d’Alexandre Trauner. René Clair confirme son passage au parlant et, aussi, une certaine nostalgie du muet dans la magnifique scène de réconciliation entre Michel et Béatrice, cachés en pleine représentation derrière un bout de décor, donc contraints au silence.
Le Million doit une partie de son attrait au charme et au talent d’Anabella qui allait, à Venise, recevoir la Coupe Volpi de la meilleure actrice en 1936 pour Veille d’armes de Marcel L’Herbier. À ses côtés, René Lefèvre dans le rôle de Michel, Jean-Louis Allibert dans celui de son ami Prosper et, dans celui du chauffeur de taxi, Raymond Cordy qu’on reverra dans À nous la liberté et Quatorze juillet.
Un carton indique que le film a été restauré en 2020 par le laboratoire Hiventy après scan 4K du négatif original nitrate, d’un marron nitrate et d’un négatif son safety.
Le Million est ressorti en salles en décembre 2022, en même temps que Sous les toits de Paris, À nous la liberté et Quatorze juillet. Les quatre films avaient été édités en octobre 2023 par Tamasa Diffusion dans le coffret Blu-ray/DVD René Clair l’enchanteur, toujours disponible, avant d’être réédités séparément en mars 2024.
Le Million (82 minutes) et ses suppléments (54 minutes) tiennent sur un Blu-ray BD-25 logé, dans cette édition combo, en compagnie d’un DVD-9, dans un Digipack à deux volets.
Le film est proposé au format audio Linear PCM 2.0 mono.
Sous-titres pour malentendants.
Piste d’audiodescription Dolby Digital 2.0.
Le film avant sa restauration (5’). Sous le titre trompeur de Film-annonce 1931, plusieurs extraits de scènes révèlent les fortes dégradations de l’image et du son du négatif.
L’art sonore de la comédie (47’), par Noël Herpe, réalisateur et historien du cinéma. René Clair, comme les autres cinéastes de l’avant-garde des années 20, s’ouvre à un cinéma plus populaire à l’arrivée du parlant dont il redoutait que « l’esclavage de la parole » transforme le cinéma en théâtre filmé. Henri Chomette, frère de René Clair (assez ignoré, ce qui lui valut sobriquet de « Clair-obscur »), est le pionnier du parlant en France, en 1930, avec Le Requin. Les films américains que René Clair voit à Londres font tomber ses réserves : il enchaîne la réalisation de quatre films aux studios d’Épinay avec « une confrérie artisanale », de Sous les toits de Paris (1930) à Quatorze juillet (1933), dans des décors créés par Lazare Meerson avec, dans Le Million, des fonds floutés par un rideau de tulle, créant « une atmosphère onirique, mais plausible ». Il utilise la musique « pour prolonger le silence » et invente une poésie particulière née du conflit entre l’image et le langage. Le Million, « tout entier imprégné d’un esprit chaplinesque (…) montre Le petit monde de René Clair, un Paris paradis perdu (…) fissuré par l’amour trahi, par un coup de klaxon strident, un malentendu, des portes qui claquent »… Sous les toits de Paris, tièdement accueilli en France, fut perçu à l’étranger comme un modèle de la comédie musicale à la française… Cet intéressant complément au film est enrichi par deux interventions de René Clair, interrogé à la télévision en 1963, puis en 1974 dans la case Au cinéma ce soir.
Bande-annonce (1’35”) un teaser du coffret René Clair l’enchanteur, édité par Tamasa Diffusion en octobre 2023.
L’image, au ratio d’origine de 1.20:1 (celui des premiers films parlants avec une piste sonore qui grignotait le cadre de l’image, avant que ne se généralise le « format académique » de 1.37:1), donné pour 1.37:1 au dos du Digipack, a été encodée au standard 1080p, AVC. Elle est, dans l’ensemble, de bonne qualité, assez bien stabilisée, débarrassée des plus grosses marques de dégradation de la pellicule et offre une fermeté des contrastes et un agréable dégradé de gris mettant en valeur la beauté de la photographie et des décors. Si certains plans restent affectés par des taches, rayures, amas granuleux et quelques furtifs sauts d’image, la restauration a accompli des miracles à partir de sources très détériorées.
Le son, au format Linear PCM 2.0 mono a, lui aussi, été nettoyé. Peu de bruits parasites, mais un souffle, d’un niveau variable, le plus souvent assez discret et quelques stridences. Dialogues et passages musicaux sont restitués assez clairement, dans une bande passante inévitablement étroite et avec quelques saturations.
Crédits images : © Films Sonores Tobis