Le Golem (1920) : le test complet du Blu-ray

Der Golem, wie er in die Welt kam

Combo Blu-ray + DVD

Réalisé par Paul Wegener
Avec Paul Wegener, Albert Steinrück et Lyda Salmonova

Édité par Potemkine Films

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Le 09/10/2024
Critique

Toute première édition en haute définition en France d’un des films fondateurs du cinéma expressionniste, enrichie de trois bonus inédits.

Le Golem

À Prague, au XVIe siècle, le rabbin Löw, philosophe et magicien, donne vie à une colossale statue de glaise, le Golem. Grâce à lui, il obtient de l’empereur que les juifs ne soient pas chassés de la ville. Mais le Golem se révolte contre son créateur…

Le Golem (Der Golem, wie er in die Welt kam) fut réalisé en 1920 par Paul Wegener (1874-1948), célèbre acteur de théâtre depuis 1906. Il était apparu dans quatre films en 1913, avant de se lancer, l’année suivante, dans la réalisation (avec Henrik Galeen) de Der Golem, aujourd’hui perdu, dont le succès l’encouragea à continuer de réaliser une vingtaine de films jusqu’en 1937, dont Der Golem und die Tänzerin (Le Golem et la danseuse, 1917), avant de se cantonner à une carrière d’acteur jusqu’à ce qu’il s’effondre sur une scène de théâtre, deux mois avant sa mort.

Le Golem fut coréalisé avec Carl Boese (1887-1958) qui n’avait que 23 ans au moment de son tournage, mais déjà une vingtaine de réalisations à son actif. Des quelques 160 films qu’il tourna de 1917 à sa mort, seuls quatre ont été édités en vidéo en Allemagne.

Le Golem se place parmi les films emblématiques du cinéma expressionniste allemand, notamment grâce à la photographie d’un des plus grands chefs-opérateurs du muet et de la première moitié du XXe siècle, Karl Freund, qui contribuera à de nombreux films majeurs, tels Metropolis (Fritz Lang, 1927), À l’Ouest rien de nouveau (All Quiet on the Western Front, Lewis Milestone, 1930), Dracula (Tod Browning, 1931), Le Baiser devant le miroir (The Kiss Before the Mirror, James Whale, 1933), Key Largo (John Huston, 1948)… Il sera oscarisé en 1938 pour The Good Earth (Sidney Franklin, Victor Fleming, Gustav Machatý et Sam Wood), un film toujours absent de nos catalogues.

Le Golem

Le Golem fascine aussi par la représentation de Prague au XVIe siècle imaginée par les directeurs artistiques Hans Poelzig et Kurt Richter, avec des décors aux lignes tourmentées. Ils étaient assistés par Edgar G. Ulmer qui, à seulement 16 ans, fait son entrée dans l’univers du cinéma avant d’apparaître, dix ans plus tard, aux côtés de Robert et Curt Siodmak, Rochus Gliese et Fred Ziennemann, comme coréalisateur de Les Hommes le dimanche (Menschen am Sonntag), un manifeste qui entrouvre la porte au néoréalisme et au cinéma-vérité.

Paul Wegener, 1,98 m, imposant dans son incarnation hiératique du Golem, a tenu ce rôle tout au long de la trilogie. Il s’est bien entouré de stars allemandes d’alors : dans le rôle du rabbin Löw, Albert Steinrück (près de 90 films), dans celui de sa fille Miriam, son épouse Lyda Salmonova (une quarantaine de films), dans celui du rabbin Famulus, Ernst Deutsch (près de 70 films), qu’on reverra dans Le Troisième homme (The Third Man, Carol Reed, 1949) et Le Procès (Der Prozeß, Georg Wilhelm Pabst, 1948), récemment ressorti dans le remarquable Coffret G.W. Pabst - Le Mystère d’une Âme. N’oublions pas Greta Schröder, la proie du vampire de Nosferatu, une symphonie de l’horreur (Nosferatu, eine Symphonie des Grauens, F.W. Murnau, 1922).

Le Golem est un des films fondateurs du cinéma expressionniste allemand avec Le Cabinet du docteur Caligari (Das Cabinet des Dr. Caligari, Robert Wiene, 1920), Les Trois Lumières (Der müde Tod, Fritz Lang, 1921), Nosferatu et Les Nibelungen (Siegfried + La Vengeance de Kriemhild) (Die Nibelungen: Siegfried + Kriemhilds Rache, Fritz Lang, 1924) que Potemkine Films vient de rééditer.

La longue attente de la sortie de Le Golem en haute définition est récompensée par l’intérêt des suppléments inédits de cette remarquable réédition.

Le Golem

Présentation - 1,5 / 5

Le Golem (76 minutes) et ses généreux suppléments (108 minutes) tiennent sur un Blu-ray BD-50 logé, pour cette édition combo, en compagnie d’un DVD-9 avec le même contenu. Les deux disques sont logés dans un boîtier glissé dans un fourreau.

Le menu propose le film muet avec le choix entre trois accompagnements musicaux au format DTS-HD Master Audio 2.0 stéréo (Dolby Digital stéréo sur le DVD).

Sous-titres français pour les intertitres en allemand.

Bonus - 4,5 / 5

Trois suppléments inédits produits par La Bête lumineuse, société codirigée par Nils Bouaziz, fondateur et dirigeant de Potemkine Films :

Les légendes du Golem par Ada Ackerman, chercheuse au CNRS et commissaire d’expositions (21’). Le Golem est une figure du folklore religieux juif, souvent représentée en statue de glaise de forme humanoïde, à laquelle on peut donner la vie en suivant les préceptes du Sefer Yetsira (traité de la création), un ouvrage cabalistique médiéval aux origines obscures. L’animation d’un golem n’avait pour seule intention que de célébrer la proximité avec Dieu. La créature deviendra, dans l’Europe de l’Est, particulièrement à Prague au XVIIIe siècle, une figure populaire des contes et légendes, un sauveur de la communauté juive persécutée, parfois une puissance destructrice incontrôlable. Elle va, progressivement, être « humanisée », refléter toute l’étendue des désirs humains, notamment les pulsions sexuelles…

Le Golem au cinéma par Ada Ackerman (28’). Devenu populaire à partir du XIXe siècle, puis au XXe siècle grâce au roman de l’Autrichien Gustav Meyrink publié en 1916, le Golem acquiert une popularité mondiale avec le film de Paul Wegener qui peut être vu comme sa réponse au traumatisme subi pendant son engagement dans la première guerre mondiale. Il s’est associé des talents, celui de Hans Poelzig pour la création en glaise d’une soixantaine de maisons donnant au ghetto un « caractère organique », et Karl Freund pour la photographie. Les avancées artistiques et techniques de la réalisation assurèrent le succès du film en Allemagne et aux USA. Certains ont toutefois dénoncé sa nature polysémique, révélée par des clichés sur les Juifs. Ada Ackerman, parmi d’autres oeuvres inspirées par le mythe, cite Le Golem (Julien Duvivier, 1936), le téléfilm Le Golem (Jean Kerchbron, 1967), un épisode de la série Les Simpsons, de nombreux jeux vidéo, et une trilogie réalisée par Amos Gitai de 1991 à 1994.

Le Golem

Du Golem à l’homme-machine par Michel Faucheux, « historien des idées » (2024, 37’). Auteur de Norbert Wiener, le Golem et la cybernétique, éléments de fantastique technologique (Éditions du Sandre, 2008), Michel Faucheux rappelle que dans God and Golem Inc. , publié à la fin de sa vie, en 1964, le cybernéticien américain Norbert Wiener avait placé la cybernétique, qui, dans une certaine mesure, « abolit la distinction entre machine et être vivant », sous le signe du Golem, cet homme-machine popularisé à Prague au XVIIIe siècle, au temps des automates. L’ordinateur de Rehovot en Israël sera baptisé en 1965 Golem n° 1 par Gershom Sholem, notamment en raison de ses capacités d’autoapprentissage. Wiener allait jusqu’à voir dans la cybernétique « un moyen pour la société de se protéger contre les dérives sanguinaires de ses dirigeants ». La « distinction entre machine et être vivant » est appelée à s’amenuiser avec les développements de l’intelligence artificielle dont sont dotés les androïdes. On peut, d’autre part, se demander si l’être humain, « pris dans un ensemble de dispositifs techniques (..) en délégant avec Internet son savoir à la machine (…) voire ses argumentations au ChatGPT » n’est pas en train de devenir golem. La machine, avec une autonomie qui se développe et la fascination qu’elle exerce, pourrait se substituer à l’homme ou le menacer, comme les machines de 2001, L’Odyssée de l’espace ou d’Ex Machina…Une réflexion assez éloignée du film, mais intéressante.

Et un supplément produit en 2019 par la Murnau Stiftung :

Vidéo comparative entre le négatif allemand et le négatif dédié à l’export (22’). Deux négatifs originaux ont été montés, à partir de prises parallèles par deux caméras, sous des angles légèrement différents, l’un pour l’exploitation en Allemagne, l’autre pour l’exploitation à l’étranger, celui qui a servi à la restauration opérée pat L’Immaggine Ritrovata en 1995. L’autre négatif, conservé par la Cinémathèque Royale de Belgique, a été restauré numériquement en 2018 par la Fondation Friedrich Wilhelm Murnau. Les deux restaurations sont présentées dans quelques séquences, à gauche celle de 1995, teintée d’après une copie italienne, à droite celle de 2018, en noir et blanc. Les meilleurs éléments des deux négatifs ont été utilisés pour l’édition Potemkine Films.

Le Golem

Image - 4,0 / 5

L’image, au ratio d’origine de 1.33:1, encodée au standard 1080p, AVC, propose une résolution étonnante pour un film plus que centenaire, au prix d’un lissage du grain excessif. Si la restauration n’a pas éliminé certaines marques de dégradation de la pellicule, en particulier quelques griffures verticales, ni un scintillement occasionnel, l’étalonnage équilibré entre blancs lumineux et noirs denses rend un appréciable tribut à la beauté de la photographie.

Le Golem

Son - 5,0 / 5

Trois accompagnements musicaux sont disponibles, au format DTS-HD Master Audio 2.0 stéréo : l’un pour un orchestre de chambre d’Admir Shkurtaj & Mesimer Ensemble, le second, électronique, du Polonais Wudec, le troisième, pour piano de l’Anglais Stephen Horne, celui que je préfère. Les trois bénéficient d’une dynamique et d’une ouverture de la bande passante adéquates.

Crédits images : © Projektion-AG Union

Configuration de test
  • Vidéo projecteur SONY VPL-VW790ES
  • Sony UBP-X800M2
  • Denon AVR-4520
  • Kit enceintes/caisson Focal Profile 918, CC908, SR908 et Chorus V (configuration 7.1)
  • Diagonale image 275 cm
Note du disque
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Philippe Gautreau
Le 9 octobre 2024
La longue attente de la ressortie en haute définition du Golem, un des films fondateurs du cinéma expressionniste allemand, est récompensée par l’intérêt des suppléments inédits de cette remarquable réédition.

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