Réalisé par James Ivory
Avec
Anthony Hopkins, Emma Thompson et James Fox
Édité par Sony Pictures
En 1956, Stevens revient au château de Lord Darlington dont il a été le majordome pendant de longues années, avant la deuxième guerre mondiale. Le domaine a été racheté par un riche Américain, l’ex-sénateur Lewis. Stevens se souvient de l’arrivée, en 1936, de Miss Kenton, une nouvelle gouvernante, et de la réunion de personnalités qu’avait organisée Lord Darlington pour promouvoir un soutien à l’Allemagne du chancelier Hitler…
Les Vestiges du jour (The Remains of the Day), le vingtième des vingt-huit longs métrages réalisés par James Ivory pour le grand écran, est un des nombreux produits de sa collaboration avec son compagnon Ismail Merchant (1936-2005) avec lequel il avait fondé en 1961 Merchant Ivory Productions et avec Ruth Prawer Jhabvala (1927-2013), romancière et scénariste juive d’origine allemande, exilée en 1939 d’Allemagne au Royaume Uni.
James Ivory s’est forgé une solide renommée pour ses adaptations, toutes réussies, d’oeuvres littéraires. De Henry James, avec Les Européens (The Europeans, 1979), le premier grand succès de Merchant Ivory Productions, Les Bostoniennes (The Bostonians, 1984) et La Coupe d’or (The Golden Bowl, 2000). De E.M. Forster, avec The Aspern Papers (2018), Chambre avec vue (A Room with a View, 1985), Maurice (1987) et Retour à Howards End (Howards End, 1992). Une réussite reconnue par une soixantaine de nominations de ses films, notamment à Cannes, Hollywood, Berlin et Venise, et l’attribution d’une cinquantaine de prix. Call Me by Your Name, en 2017, lui vaudra l’attribution tardive, à l’âge de 89 ans, d’un Oscar, celui de la meilleure adaptation.
Les Vestiges du jour puise son scénario dans le plus célèbre livre de l’écrivain britannique Kazuo Ishiguro, Prix Nobel de littérature, né au Japon en 1954, vivant au Royaume Uni depuis 1960. Il inspirera également deux autres films notables, Auprès de moi toujours (Never Let Me Go, Mark Romanek, 2010) et Vivre (Living, Oliver Hermanus, 2022). Il écrira aussi le scénario original d’un autre film de James Ivory, La Comtesse blanche (The White Countess, 2005).
Les Vestiges du jour est centré sur le majordome Stevens, figé dans l’image qu’il s’oblige à donner d’un butler engoncé dans un habit qui, tout à la fois, le protège et l’isole du monde, comme une armure, le condamnant à ne rien laisser paraître de ses émotions, à supporter toute humiliation sans un froncement de sourcil et, pire, à étouffer, probablement jusqu’au déni, son attirance pour Miss Kenton, la gouvernante qui lui avait pourtant donné des signes visibles de son désir de partager sa vie.
Les Vestiges du jour propose une très sensible illustration de la relation maîtres-serviteurs, du thème « upstairs/downstairs » brillamment exploité au Royaume Uni, notamment sur le grand écran par Gosford Park (Robert Altman, 2001) et, à la télévision, par les remarquables séries Upstairs Downstairs (1971-1975, 68 épisodes, encore disponible outre-Manche, dont la production originale n’a pas été égalée par son remake de 2010), et Downton Abbey (2010-2015, 52 épisodes).
Les Vestiges du jour brille par la photographie de Tony Pierce-Roberts, chef-opérateur de sept autres films de James Ivory. Il souligne l’attention accordée aux décors et costumes et ses cadrages permettent aux acteurs de communiquer subtilement des émotions cachées au point d’être à peine perceptibles.
En tête de distribution, Anthony Hopkins et Emma Thompson renouvellent l’extraordinaire conjugaison de leur talents démontrée, un an pus tôt, dans Retour à Howards End qui valut à Emma Thompson son Oscar d’interprétation féminine. Les seconds personnages n’ont pas été négligés. James Fox incarne avec naturel Lord Darlington et Hugh Grant, auquel James Ivory avait confié le second rôle de Maurice en 1987, celui de son filleul. Christopher Reeve, deux ans avant la chute de cheval qui le laissera tétraplégique interprète le sénateur Lewis. On repère aussi une débutante, Lena Heady qui venait d’être révélée à 19 ans par son premier emploi, face à Jeremy Irons dans Waterland (Stephen Gyllenhaal, 1992).
Sony Pictures a soigné cette édition du trentième anniversaire du film, la première en Ultra HD, complétée par de nombreux bonus.
Les Vestiges du jour (134 minutes) et ses suppléments (78 minutes, sans compter le commentaire audio du film) tiennent sur un Blu-ray BD-100 logé dans le traditionnel boîtier noir, glissé dans un fourreau.
Le menu propose le film dans sa langue originale, l’anglais, avec le choix entre trois formats audio, Dolby Atmos 7.1 ou DTS-HD Master Audio 5.1 ou 2.0 stéréo, et dans un doublage en sept langues, dont le français au format DTS-HD MA 2.0.
Les suppléments, sous-titrables en français à l’exception des deux bandes-annonces, sont repris de la première édition DVD, sortie en 2001.
Commentaire audio de James Ivory, Ismail Merchant et Emma Thompson. Conduit par une Emma Thompson un peu trop bavarde, le commentaire, enregistré en 2001, donne peu d’informations sur la mise en scène, mais accorde une large place à un rappel des faits et gestes des personnages et aux acteurs. On peut néanmoins glaner, çà et là, quelques données utiles, par exemple sur les lieux de tournage, exclusivement en décors réels, les moyens mis en oeuvre : 11 millions de dollars et une durée de 9 mois…
Making of The Remains of the Day (1993, 29’). Les acteurs, James Ivory, Ismail Merchant, le producteur Mike Nichols… rappellent les conditions de tournage, une première version du scénario par Harold Pinter…. Avec de trop nombreux extraits de scènes.
Le parcours des créateurs du film (2001, 30’). Ce module, comme le suivant, réunit les principaux protagonistes du film, huit ans après sa sortie en salles, avec quelques inévitables redites du précédent document. L’accent est mis sur les décors et les costumes.
Loyauté aveugle, honneur creux : le défaut fatal de l’Angleterre (2001, 15’). Les commentaires ravivent la complaisance vis-à-vis du nazisme d’une partie de l’opinion et de responsables politiques, non seulement au Royaume Uni, mais aussi en Europe. Une attitude qui a laissé Hitler les berner par des promesses de paix pour réarmer l’Allemagne, envahir impunément la Tchécoslovaquie et annexer les territoires des Sudètes.
7 scènes coupées (15’) avec commentaire audio optionnel de James Ivory. Le réalisateur justifie l’exclusion, parfois à regret, de scènes (recadrées au ratio 1.33:1) essentiellement parce qu’elles ne faisaient pas avancer l’action.
Bande-annonce (2’23”).
Bande-annonce internationale (2’44”).
On pourra regretter qu’aucune analyse critique du film n’ait été proposée pour cette édition du trentième anniversaire.
L’image (4K HEVC - HR10, Dolby Vision), au ratio originel de 2.39:1, après restauration du film à partir d’un scan 4K du négatif original, déploie une palette de couleurs délicatement nuancées par un nouvel étalonnage et un sensible gain de luminosité et de contraste. La résolution est parfaite et le grain du 35 mm a été heureusement préservé.
Le son Dolby Atmos 7.1 (avec une alternative DTS-HD Master Audio 5.1), testé sous le format compatible Dolby TrueHD 7.1, assure une claire restitution des dialogues, composante essentielle du film. La répartition du signal sur les sept canaux ne crée qu’une discrète sensation d’immersion dans l’ambiance. Elle donne surtout une saisissante ampleur à la partition de Richard Robbins, compositeur de la musique de quatorze des films de James Ivory.
Un doublage en français est proposé au format DTS-HD Master Audio 2.0.
Crédits images : © Columbia Pictures, Merchant-Ivory Productions, Mike Nichols/John Calley