Babylon (2022) : le test complet du 4K UHD

Le regard scrutateur de Damien Chazelle sur le relâchement moral régnant à Hollywood et les remous causés par l’arrivée soudaine du parlant.

Manuel Torres, un jeune Mexicain chargé d’amener un éléphant en 1926 sur le plateau de tournage d’un film à Hollywood, découvre, fasciné, l’ambiance exubérante de l’industrie du cinéma et sera le témoin du bouleversement entraîné par le passage du muet au parlant.

Babylon connut un relatif échec commercial, notamment aux USA, peut-être en partie dû à la représentation de la nudité et d’actes sexuels, trop graphique aux yeux d’une certaine critique. La recette mondiale de 250 millions de dollars, insuffisante pour compenser tous les coûts, fit supporter à Paramount Pictures une perte de 87 millions. Il attira toutefois en France plus d’un million et demi de spectateurs en se plaçant au 14ème rang des 25 films qui firent plus d’un million d’entrées.

Babylon est le quatrième long métrage du réalisateur, scénariste et producteur franco-américain Damien Chazelle. Après, Guy and Madeline on a Park Bench (2009, édité sur DVD aux USA), son film de fin d’études de cinéma à Harvard, où il rencontra Justin Hurwitz qui composera la musique de tous ses films, il enchaîne trois réussites. Whiplash (2014), récompensé par une centaine de prix, dont trois Oscars, le Grand prix et le Prix du public à Deauville. Puis, deux ans plus tard, La La Land fait plus que doubler le score avec 240 prix, 14 nominations aux Oscars et l’attribution de six statues, notamment pour la meilleure réalisation. Ce fut un incroyable succès critique et commercial avec une recette mondiale de près 445 millions de dollars pour un budget de 30 millions ! Vint ensuite First Man - Le Premier Homme sur la Lune (2018), sélectionné à Venise pour le Lion d’or et salué par une trentaine de prix, dont l’Oscar des meilleurs effets visuels et le Golden Globe de la meilleure musique. Bien reçu par la critique, il récolta une recette mondiale de 106 millions de dollars.

Babylon, tourné à Los Angeles de juillet à novembre 2021, s’ouvre après quatre minutes sur une énorme fête où tous les excès semblent permis. C’est le premier coup d’oeil sur le petit monde du cinéma à la fin des années 20, au moment où le muet cède la place au parlant, un thème brillamment exploité, soixante-dix ans plus tôt, par Gene Kelly et Stanley Donen dans l’inusable comédie musicale Chantons sous la pluie (Singin’ in the Rain, récemment rééditée par Warner Bros. en UltraHD), à laquelle Damien Chazelle rend hommage dans son film.

It’s something even more important than life!

Babylon épingle avec insistance le relâchement des moeurs de celles et ceux qui pouvaient profiter de la manne générée par la jeune industrie, mais décrit aussi les aléas d’un univers impitoyable dans lequel l’accession rapide à la célébrité pouvait être le prélude d’une chute brutale vers l’oubli.

Mais Babylon est aussi un chant d’amour dédié au septième art, une industrie dont il glorifie l’inépuisable énergie déployée pour la direction des acteurs et des figurants, pour la construction des décors, pour le meilleur parti à tirer de la lumière, une exigence imposée en extérieur par la faible sensibilité des films… Une révolution éclate en 1927 avec la sortie du film Le Chanteur de Jazz (The Jazz Singer, Alan Crosland) marquant l’arrivée de la parole, des bruits d’ambiance et de la musique dans les salles de cinéma, un changement qui allait se propager comme une traînée de poudre. Une brillante scène tragi-comique illustre le défi à relever pour synchroniser, avec les moyens du bord, la capture de l’image et du son.

Babylon, avec une mise en scène avec une remarquable virtuosité, notamment dans les scènes de fêtes ou d’une bataille de croisés, servie par un montage virevoltant, profite d’une solide distribution en tête de laquelle Brad Pitt et Margot Robbie, très investis dans leurs rôles, sont réunis pour la troisième fois, après The Big Short : Le casse du siècle (Adam McKay, 2015) et Once Upon a Time… in Hollywood (Quentin Tarantino, 2019), une autre mise en abyme de l’univers du cinéma après celle, inoubliable, réalisée par les frères Taviani en 1987, Good morning Babilonia.

Ils sont entourés par une kyrielle d’acteurs connus, Jean Smart, sous le chapeau d’une des commères de la presse à scandale, Eric Roberts, Tobey Maguire sans sa combinaison de Spiderman, Jovan Adepo (Overlord, Julius Avery, 2018), P.J. Byrne, Max Minghella, Katherine Waterston (90’s, Jonah Hill, 2018)… On y découvre aussi un jeune acteur mexicain, Diego Calva, dans le rôle important de Manny Torres, happé par hasard dans le maelstrom de l’arrivée du parlant, notre témoin de l’histoire racontée par Damien Chazelle.

Avec la luxuriante partition originale de Justin Hurwitz et la photographie de Linus Sandgren, tous les deux oscarisés pour La La Land et collaborateurs attitrés de Damien Chazelle, Babylon reste envoûtant tout au long des trois heures de sa durée, jusqu’à ses dernières images intrigantes.

Babylon (189 minutes) tient sur un Blu-ray BD-100 4K UltraHD et sur un Blu-ray BD-50. Les suppléments (45 minutes) sont supportés par un Blu-ray BD-25. Les trois disques sont logés dans le traditionnel boîtier noir, glissé dans un fourreau.

Le menu propose le film dans sa langue originale, l’anglais, au format audio Dolby Atmos (core Dolby TrueHD 7.1) sur les deux disques, et dans un doublage en quatre langues, dont le français, au format standard Dolby Digital 5.1.

Sous-titres en dix langues, dont le français et l’anglais.

Trois autres éditions sont disponibles : la même que celle-ci, dans un boîtier SteelBook, une édition sur deux Blu-ray, un BD-50 avec le film plus un BD-25 avec les bonus, et une édition DVD-9 avec le seul film.

Babylon, une toile panoramique : rencontre avec les acteurs et l’équipe (31’). Damien Chazelle, l’équipe du film, les acteurs et la productrice confirment la vie débridée menée à Hollywood « par des marginaux de tous bords (…) à la folle époque des années 20 et 30 », à l’aube d’une nouvelle industrie, avec l’apparition des stars, des ragots de la presse spécialisée et l’onde de choc propagée par le parlant… La reconstitution du Hollywood de 1926 a nécessité une soixantaine de décors et la création de plusieurs milliers de costumes inspirés par des photos. Le tournage a été soigneusement préparé, avec un storyboard de chaque scène.

Les costumes de Babylon (3’). Mary Zophres, créatrice des 7 000 costumes, d’une quinzaine pour chacun des personnages principaux, dont ceux de Nellie LaRoy qui « montrent tout ce qu’il faut montrer ».

La musique de Babylon : rencontre avec Justin Hurwitz (2’), « agressive (…) avec des solos endiablés du saxo et le rugissement des trompettes ».

Ces documents, modérément informatifs, auraient gagné à être élagués d’une bonne dizaine de minutes d’agaçants échanges de compliments.

Six scènes coupées et versions longues (9’) : Manny conduit Jack (coupée), Elinor discute avec un figurant (raccourcie, la plus intéressante), Salle de montage (coupée), Dispute dans la loge (coupée), Se repoudrer le nez (raccourcie), Recherche de passeport (coupée).

Tous ces bonus sont sous-titrés en 18 langues, dont le français et l’anglais.

L’image (2160p, 4K HEVC, Dolby Vision - HDR10) est au ratio original de 2.39:1, avec quelques inserts 1.33:1 en noir et blanc. Le choix du 35 mm et d’objectifs anamorphiques lui donne l’aspect des productions de l’âge d’or hollywoodien, souligné par une palette chaude, une dominante cuivrée et un grain assez marqué. L’apport de l’UHD s’apprécie au gain de piqué, de luminosité et de fermeté des contrastes, avec des noirs plus denses et des couleurs plus soutenues que dans la version à 1080p AVC.

Le son Dolby Atmos, testé sous le format Dolby TrueHD 7.1, assure la clarté des dialogues et plonge très vite le spectateur dans l’ambiance, dès la première folle soirée, à 4 minutes du début. Une forte dynamique et une répartition optimale du signal sur tous les canaux génèrent un effet immersif très convaincant, voire spectaculaire dans la scène de bataille, avec un efficace renfort du caisson de basses.

Le doublage en français, au format standard Dolby Digital 5.1 n’a pas été pris en compte pour l’attribution de la note.

Crédits images : © 2022 Paramount Pictures. All Rights Reserved.