Réalisé par Bernardo Bertolucci
Avec
Keanu Reeves, Ruocheng Ying et Chris Isaak
Édité par Rimini Editions
Jesse Conrad, neuf ans, vit à Seattle avec ses parents. Un jour, la famille reçoit la visite surprise d’une délégation de moines bouddhistes venus du coeur de l’Himalaya. Ils sont persuadés que Jesse pourrait être la réincarnation d’un de leurs plus éminents chefs spirituels, le lama Dorje, mort neuf ans plus tôt, et souhaitent convier l’enfant au monastère pour lui faire subir des tests. Deux autres enfants sont identifiés comme pouvant prétendre être le lama réincarné. Parallèlement, on découvre la véritable histoire du Buddha.
Little Buddha est le treizième de dix-sept longs métrages réalisés par Bernardo Bertolucci, alors au faîte de sa gloire depuis la sortie en 1987 de Le Dernier Empereur (The Last Emperor, dont la récente édition UHD est déjà épuisée), salué par une soixantaine de prix, dont neuf Oscars, trois BAFTA Awards, le César du meilleur film étranger, trois David di Donatello et quatre Golden Globes. Son film suivant, Un Thé au Sahara (The Sheltering Sky, 1990), bien accueilli par la critique, décrocha neuf prix. De quoi garantir au réalisateur les moyens d’une autre superproduction.
Little Buddha, tourné en 35 mm à Seattle, en 65 mm au Bhoutan, sorti en salles au ratio 2.39:1 (2.20 :1 dans les tirages destinés aux salles équipées pour la projection de films 70 mm) nous est proposé, après une restauration opérée en 2022 par Cinecittà sous la supervision du chef-opérateur Vittorio Storaro, dans un recadrage à 2.00:1. Bernardo Bertolucci, disparu en 2018, aurait-il approuvé ce rognage de 16% ?
Bertolucci s’était fait repérer dès son deuxième long métrage, Prima della rivoluzione, que les Cahiers du Cinéma avaient placé au deuxième rang des meilleurs films distribués en France en 1968, derrière Le Bachfilm : Chronique d’Anna Magdalena Bach (Chronik der Anna Magdalena Bach, Jean-Marie Straub, Danièle Huillet). La nomination à l’Oscar du meilleur scénario et à l’Ours d’or de Le Conformiste (Il Conformista) assied sa réputation internationale. Après l’écho donné par son parfum de scandale à Le Dernier tango à Paris (Last Tango in Paris), le succès planétaire du monumental 1900 (Novencento), film d’ouverture du Festival de Cannes 1976, lui ouvrit la possibilité d’obtenir un budget pharaonique, 40 millions de livres sterling, pour réaliser Le Dernier Empereur.
Little Buddha, sous la forme d’un conte pour enfants, se déroule dans deux lieux, Seattle et le Bhoutan, et à deux époques : en 1993, au temps du tournage, et à celle du prince Siddhārtha Gautama, qu’on appellera Buddha (l’éveillé), le fondateur du bouddhisme au VIe ou Ve siècle avant J.-C. Deux époques éloignées et deux environnements contrastés, Seattle, exposé à l’insécurité par les soubresauts de l’économie, le Népal, baignant dans une apparente sérénité.
Little Buddha bénéficie de la contribution du chef-opérateur Vittorio Storaro qui s’était acquis une réputation internationale en décrochant trois Oscars, pour Apocalypse Now en 1980, pour Reds de Warren Beatty en 1982 et pour Le Dernier empereur en 1988. Les décors du palais de Siddhārtha ont été imaginés par Gianni Giovagnoni (Kingdom of Heaven, Ridley Scott, 2005) et Andrew Sanders (Les Chariots de feu / Chariots of Fire, Hugh Hudson, 1981).
Au milieu d’une foule de figurants, une solide distribution : dans le rôle du prince Siddhārtha, Keanu Reeves, révélé, après des débuts à la télévision, par Les Liaisons dangereuses (Dangerous Liaisons, Stephen Frears, 1988) et Point Break (Kathryn Bigelow, 1991). Dans celui du lama Norbu, Ruocheng Ying qui incarnait le directeur du centre de détention dans Le Dernier empereur. Il était alors vice-ministre de la culture, poste qu’il occupa de 1986 à 1990, après avoir été condamné aux travaux forcés pendant la révolution culturelle ! Les parents de Jesse sont interprétés par Bridget Fonda et Chris Isaak.
Little Buddha n’était plus disponible. Bien qu’il n’ait pas le souffle de Le Dernier empereur, cette ressortie par Rimini Éditions, la première en Ultra HD, est la bienvenue. Elle permettra aux cinéphiles de découvrir ou revoir un des films importants d’un des grands cinéastes italiens, éclectique et ambitieux.
Little Buddha (141 minutes) tient sur un Blu-ray 4K Ultra HD et sur un Blu-ray BD-50 qui supporte aussi les suppléments (96 minutes). Les deux disques sont logés dans un boîtier Blu-ray glissé dans un étui.
Le film est proposé dans sa langue originale, l’anglais, avec le choix entre deux formats, DTS-HD Master Audio 5.1 ou 2.0 stéréo, avec sous-titres optionnels, et dans un doublage en français au format DTS-HD Master Audio 2.0 stéréo.
Une édition DVD est disponible avec, pour seuls bonus, deux teasers.
Présentation du film, en deux parties (9’ + 7’), matériel promotionnel destiné à accompagner la sortie du film, deux teasers.
Bande-annonce (1’41”).
Et trois bonus inédits, en italien, sous-titrés :
Comme une fable : entretien avec Piero Spila, critique de cinéma (Freak-O-Rama, 2024, 35’), auteur de plusieurs livres, parmi lesquels Le Cinéma de Bernardo Bertolucci, édité en français par Gremese en 2020. Little Buddha peut être vu comme le dernier volet d’une « trilogie de l’ailleurs » après Le Dernier empereur et The Sheltering Sky, trois histoires hors de l’Italie, étouffée par la télévision. Intéressé par le bouddhisme après la lecture d’Elsa Morante et sa rencontre avec le dalaï-lama à Vienne, Bertolucci choisit de raconter l’histoire de Buddha comme un conte pour enfants. Dean, le père de Jesse, représente probablement Bertolucci, non croyant mais observateur de la complexité de la pensée bouddhiste. La première de cette superproduction doublée d’un film d’auteur, réunissant une équipe d’exception, eut lieu à Paris, où habitait le dalaï-lama. La projection fut avancée à 18h30 pour qu’il puisse se coucher à 21h00, comme tous les soirs. Le film reçut un bon accueil international, plus tiède en Italie. Bertolucci avait une belle plume. Piero Spila a pu rassembler une soixantaine de ses critiques de films dans l’ouvrage Mon obsession magnifique, publié en France par les Éditions du Seuil en 2014. Le dernier film de Bernardo Bertolucci, Moi & toi (Io e te, 2012) est une sorte d’ode à la cinéphilie dans laquelle on retrouve « l’essence de son cinéma ».
Être payé pour étudier : entretien avec Gianni Giovagnoni, directeur artistique (Freak-O-Rama, 2024, 19’), directeur artistique de Le Dernier empereur, il a immédiatement accepté une deuxième aventure avec Bertolucci. Il décrit son rôle de directeur artistique, partagé avec Andrew Sanders, évoque les costumes de James Acheson, la communication parfois difficile avec l’équipe népalaise, le tournage au Bhoutan, particulièrement à Bhaktapur que Pasolini avait choisi en 1975 pour Les Mille et une nuits(Il Fiore delle mille e una notte)…
Le vrai et le faux : Gianni Giovagnoni commente les photos des décors du film (Freak-O-Rama, 2024, 24’). Il nous montre comment les décors du palais de Siddhârta se fondent dans les décors réels de Bhaktapur et de Katmandu, la transformation des racines d’un arbre de la Bodhi, dit « l’arbre de Buddha », par des moulages effectués à Londres, des tubes d’acier maquillés en bambous…
L’image, au ratio d’origine de 2.39:1 recadré à 2.00:1 par la restauration de 2022, a été débarrassée de toute marque de dégradation de la pellicule. L’encodage au standard 2160p, 4K HEVC - HDR10, avec l’option Dolby Vision, (1080p, AVC sur le Blu-ray BD-50) assure un excellent piqué tout en préservant le grain argentique, fin et homogène. La restauration a accentué l’opposition de deux palettes de couleurs : froide et délavée, parfois presque monochrome pour les séquences à Seattle, chaude, dominée par les rouges et les ors pour les scènes tournées au Bhoutan.
Un travail qui aurait pu approcher la note maximale sans l’impardonnable rognage !
Le son d’origine Dolby Digital (6-track pour le tirage en 70 mm), réencodé au format DTS-HD Master Audio 5.1 (avec une alternative 2.0 stéréo) assure la parfaite clarté des dialogues. Comme pour l’image, deux bandes son s’opposent. Les bruits de la circulation dominent à Seattle, alors que les scènes au Bhoutan sont enveloppées par les bruits de la nature, les chants traditionnels et la musique originale de Ryūichi Sakamoto, délivrée sans saturations. Dynamique et ouverture de la bande passante donnent une présence réaliste à l’ambiance, le plus souvent cantonnée sur le plan frontal. La répartition du signal sur les cinq canaux et le caisson de basses procurent toutefois, dans plusieurs scènes, une sensation réaliste d’immersion dans l’action.
Ce constat vaut pour le doublage en français, limité toutefois au format DTS-HD Master Audio 2.0 stéréo.
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