Night Moves (2013) : le test complet du DVD

Josh travaille dans une ferme biologique en Oregon. Au contact des activistes qu’il fréquente, ses convictions écologiques se radicalisent. Déterminé à agir, il s’associe à Dena, une jeune militante, et à Harmon, un homme au passé trouble. Ensemble, ils décident d’exécuter l’opération la plus spectaculaire de leur vie…

Chef-d’oeuvre naturaliste, méditatif et philosophique sorti en France en 2007, Old Joy a révélé l’immense talent et la sensibilité d’une cinéaste, Kelly Reichardt. La grande réussite de cette oeuvre épurée (1h10 montre en main), road movie initiatique, sensuel, existentiel et zen, qui privilégiait les non-dits et le ressenti, tourné avec peu de moyens, une équipe réduite dans les véritables décors naturels aux alentours de Portland, a ensuite été largement confirmée avec Wendy & Lucy, son chef d’oeuvre, qui offrait un de ses plus beaux rôles à la sensationnelle Michelle Williams. Il faut ensuite attendre 2011 pour que Kelly Reichardt reviennent derrière la caméra avec La Dernière piste. Une fois de plus associée à Michelle Williams, la réalisatrice usait du genre du western et s’inspirait de faits réels survenus en 1945. Avec son habituel sens de l’épure, sans esbroufe, Kelly Reichardt privilégiait l’authentique au spectaculaire, prenait son temps d’instaurer une tension palpable en usant d’un réalisme presque documentaire sur le quotidien des pionniers, exploitait habilement le cadre restreint du format 1.33 et des extraordinaires décors en faisant durer les plans et les regards pour mieux faire ressentir le désarroi des personnages. Night Moves, son cinquième long métrage ne fait que confirmer la singularité et la dureté du cinéma de Kelly Reichardt, qui a une fois de plus cosigné le scénario avec l’écrivain Jonathan Raymond.

Night Moves est sans doute le film le plus « accessible » et grand public de la réalisatrice, grâce notamment à ses comédiens, Jesse Eisenberg, Dakota Fanning et Peter Sarsgaard. On y retrouve certains thèmes déjà traités à travers sa filmographie : l’espoir de personnages marginaux d’un avenir meilleur qui laisse place aux désillusions, à l’instar de l’illusion de rêve américain dans La Dernière piste et la remise en question de certains idéaux, comme ici le combat d’activistes écologistes radicaux. Porté par un casting brillant et génialement filmé dans les petites bourgades de l’Oregon, les rues désertes et l’immensité de la nature sauvage américaine réduisant l’homme à l’état de lilliputien (comme dans Old Joy), ce thriller s’écarte du « film engagé destiné à porter un message sur l’écologie et l’activisme » comme pouvait l’être l’excellent The East de Zal Batmanglij et se focalise surtout sur le trouble, la tension, la paranoïa et la folie qui s’emparent des personnages après un acte répréhensible, ici la destruction d’un barrage hydraulique qui a entraîné la mort d’un innocent.

La cinéaste et son scénariste restent honnêtes et fidèles envers leurs personnages, ne les condamnent pas, ne les excusent pas non plus. Jesse Eisenberg impressionne une fois de plus. Là où le jeune comédien s’est fait connaître à travers ses personnages à la langue bien pendue (Charlie Banks, Adventureland, job d’été à éviter, Bienvenue à Zombieland, The Social Network), il impressionne de retenue, presque de mutisme, mais n’en demeure pas moins intense de violence contenue, jusqu’à ce que le mal qui le ronge (la culpabilité) prenne le dessus. Avec sa composition hypnotique de Jeff Grace (La Dernière piste), la superbe photo de Christopher Blauvelt, un montage au cordeau, un travail inouï sur le son et des séquences nocturnes ébouriffantes, Night Moves a été récompensé par le Grand Prix lors de la 39ème édition du Festival du Cinéma Américain de Deauville… On attend avec impatience le prochain film de la grande Kelly Reichardt.

Seul le DVD nous a été envoyé. Il semble que Potemkine n’ait pas repris le visuel de l’affiche du film pour l’exploitation de Night Moves en DVD. Heureusement d’ailleurs, le visuel créé pour l’occasion est nettement plus soigné. Le menu principal est animé et musical.

Potemkine joint la bande-annonce ainsi qu’une interview très intéressante de Kelly Reichardt (17’) durant laquelle la réalisatrice revient sur la genèse de Night Moves, la psychologie des personnages, leurs actions, les thèmes explorés, ses partis pris, la préparation des comédiens et sa collaboration avec le chef opérateur Christopher Blauvelt (The Bling Ring, La Dernière piste).

Point d’édition HD pour Night Moves, mais cette édition SD restitue admirablement les couleurs froides et « humides » de la superbe photo signée Christopher Blauvelt qui possèdent ici un réel éclat. Toutefois, si les quelques séquences tournées en extérieur profitent d’un encodage solide y compris sur les nombreuses scènes nocturnes, les quelques scènes en intérieur apparaissent moins définies, s’accompagnent d’un piqué moindre ainsi que d’une perte de détails. L’image reste tout de même immaculée et élégante, le cadre riche, les contrastes corrects, les textures flagrantes et palpables.

Seule la version originale est disponible. Deux choix possibles, une écoute frontale riche et dynamique en Stéréo, ou alors une spatialisation concrète et un plus grand confort acoustique en Dolby Digital 5.1. Dans tous les cas, l’écoute demeure ardente, fait une large place aux dialogues. Les effets latéraux et ambiances naturelles pointent habilement le bout de leur nez. Les sous-titres français sont imposés.

Crédits images : © Potemkine Films